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[Lecture] The Promised Neverland T. 1

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Ah, les joies de l’enfance ! L’insouciance, les jeux en plein air, les rires sonores, la sécurité d’une maison et de ses parents… Ah ? Non, pas là me dit-on. Quoi ? Un orphelinat ? Ok, je vois le genre. Il va y avoir des enfants plus âgés qui vont marty… Non, c’est pas ce genre là ? Bon ben arrêtons de tourner autour du pot et plongeons donc dans le manga du jour : The Promised Neverland de Shirai Kaiu (scénario) et Demizu Posuka (dessin), édité par Kazé.

Notre trio de héros
Notre trio de héros

The Promised Neverland prend place dans l’enceinte d’un orphelinat qui semble être un parfait modèle du genre, limite utopique, du nom de Grace Field House. Tous les enfants s’y amusent ensemble, dans un cadre idyllique avec un grand parc autour de l’établissement, des repas copieux et joyeux et, surtout, l’amour et la bienveillance de la responsable de l’orphelinat qu’ils appellent affectueusement « Maman ». Pourtant, lorsqu’une des enfants – Conny – est adoptée, Emma et Norman font une découverte terrifiante qui va changer la donne. Ils doivent maintenant trouver le moyen de s’enfuir pour échapper à un funeste sort.

Une Modeste Proposition revisitée

Le lecteur découvre d’entrée, à travers les yeux d’Emma, la vie quotidienne des enfants de Grace Field House. Et si les explications dressent le portrait d’une vie parfaite, une impression étrange s’installe très vite. On commence à mettre le doigt dessus dès les premières pages, lorsqu’on apprend que les enfants ont interdiction de s’approcher de certains lieux ou encore qu’au lieu d’aller à l’école, ils passent des tests d’intelligence quotidiens. Si le schisme entre la représentation presque XIXe siècle du reste des lieux et la technologie très avancée de la salle d’examen interpelle, c’est surtout le trait de M. Demizu qui ancre ce sentiment dérangeant dans nos esprits. On passe de traits fins, ronds et aérés à des cases chargées de noir où les regards se font durs et les lignes tranchantes. C’est d’ailleurs un contraste que l’on retrouvera souvent dans la suite du tome.

Les tests d'intelligence font partie du quotidien des enfants de Grace Field House
Les tests d’intelligence font partie du quotidien des enfants de Grace Field House

Evidemment, ce malaise diffus connait son apogée à la fin du premier chapitre, lorsqu’Emma et Norman découvrent le corps sans vie de leur « petite sœur » Conny et doivent se rendre à l’évidence : l’orphelinat est en fait un élevage d’être humains destinés à être dévorés par des démons (qui contrôlent a priori la planète) et « Maman », loin d’être la femme chaleureuse qu’ils connaissaient, supervise en réalité cet élevage afin de s’assurer que le produit soit de la meilleure qualité possible. Forts de cette découverte, Emma et Norman vont devoir tout faire pour éviter à leurs frères et sœurs – ainsi qu’à eux-mêmes – de subir le même sort et, aidés par le troisième doyen – Ray – trouver un moyen de s’échapper.

Pan-és de la dernière pluie

A ce stade, le manga vous semble sans doute être une grossière métaphore sur l’élevage d’animaux. Mais les choses évoluent vite et on se retrouve finalement plutôt avec un mélange de Peter Pan et de Death Note. Comme dans le roman de J. M. Barrie, un personnage – ici Emma qui est celle qui refuse d’abandonner les autres alors que Ray et Norman jugent préférable de s’échapper à trois – a pour ambition de mener les enfants vers un Neverland où ils seront en sécurité et pourront profiter de la vie. Mais pour ce faire, deux camps vont s’affronter (« Maman », qui sait que son secret a été découvert mais ignore par qui, contre le trio d’adolescents) en tentant de lire le jeu de l’adversaire et de le piéger à grands renforts de stratégies et de psychologie (comme le duo L/Light Yagami, donc).

L'affrontement sera tendu entre Maman et les enfants
L’affrontement sera tendu entre Maman et les enfants

Le problème de faire du Death Note avec des enfants de 11 ans, c’est qu’on peut tomber dans deux écueils : écrire des personnages qui n’ont pas des réactions d’enfants de cet âge ou souligner avec force et à répétition des choses évidentes (parce que les enfants ne pensent pas à mal, tout ça tout ça), donc alourdir le récit inutilement. Et là, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que The Promised Neverland se prend les pieds dans le tapis avec ces deux écueils dans les premiers chapitres de ce tome 1. La bonne, c’est que ça s’améliore rapidement et que les personnages évoluent extrêmement vite pour donner des stratégies qui commencent déjà à être intéressantes dans la fin du tome alors que la dissonance entre leur âge et leurs réactions est diminuée par l’imminence du danger. En effet, ils sont obligés d’évoluer rapidement s’ils ne veulent pas servir de repas aux démons et leur apprentissage devient alors, sinon crédible, au moins acceptable.

The Neverlanding Story

Mieux ! Les personnages se complètent à merveille, chacun des trois principaux ayant ses spécificités, ses points forts et ses points faibles. Bien sûr, ils sont très archétypaux. Mais le cadre rend cela logique et il est très probable que chacun change et s’approfondisse au cours des tomes. Du côté des antagonistes aussi on est bien servis puisque « Maman » est bien écrite et que le travail au dessin lui confère une aura impressionnante, bénéfique à la tension de l’ensemble. N’oublions pas les démons qui, ô joie (parce que je ne m’y attendais pas), sont également brièvement abordés, laissant espérer une histoire secondaire capable d’étendre l’univers de façon intéressante. On mettra tout de même un bémol au deuxième adulte humain, une femme venue aider « Maman » à sa demande. Sur l’écriture, c’est plutôt bien, avec des intérêts contraires qui peuvent amener des confrontations intéressantes. Toutefois, j’ai une grosse réserve sur le chara-design du personnage qui coche toutes les cases des clichés sur les femmes noires dans les mangas.

Quand même, la fleur est une jolie attention dans cette mise à mort, non ?
Quand même, la fleur est une jolie attention dans cette mise à mort, non ?

Globalement, il faut tout de même saluer le travail du dessinateur. Malgré un trait parfois un peu flou, la différence nette de représentation en fonction des situations ou des accointances et le foisonnement de détails en arrière-plan permet à l’ambiance imaginée par le scénariste Shirai Kaiu d’être transmise presque inconsciemment au lecteur. The Promised Neverland prend alors toute la carrure d’un récit de descente aux enfers et met parfaitement en avant ses différents conflits (je ne vous ai évidemment pas tout dévoilé dans cet article). Bien entendu, on est un peu frustré à la sortie de ce tome parce qu’on a énormément de questions et peu de réponses. Mais c’est après tout le but d’un premier tome : il s’agit d’une introduction à l’histoire. Et puisque l’attente de la sortie du tome 2 parait d’ores et déjà longue, c’est que le travail est réussi !

TL;DR

The Promised Neverland nous fait passer d’un cadre idyllique aux allures de colonies de vacances à une situation (littéralement) inhumaine à laquelle les protagonistes devront essayer d’échapper. L’attachement aux personnages fonctionne plutôt bien et les situations s’enchaînent, de plus en plus intéressantes, jusqu’à ce qu’on ait hâte de lire la suite. Le dessin n’est pas étranger à ce succès puisqu’il permet de travailler à un niveau presque inconscient sur le lecteur. Il est pour l’instant difficile d’affirmer que ce manga est le nouveau titre Shonen à suivre absolument mais il en prend indubitablement le chemin. Vivement le 27 Juin pour lire le tome 2 !

Tout avait pourtant si bien commencé...
Tout avait pourtant si bien commencé…

 

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