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[Critique] Batman: The Killing Joke

batman the killing joke critique

S’il y a bien un domaine où DC Comics réussit ses adaptations c’est celui de l’animé. Nombreuses sont les œuvres à être passées du papier à l’écran avec succès, de Batman: Year One à The Dark Knight Returns en passant par Flashpoint Paradox. Cette année, c’est le chef d’oeuvre The Killing Joke qui passe par ce traitement et on l’attendait au tournant. On l’attendait parce que The Killing Joke est une histoire majeure de la mythologie de Batman, écrite par le grand Alan Moore (Watchmen, V for Vendetta…), qui eut d’immenses répercussions sur l’aspect éditorial de l’homme chauve-souris. On l’attendait parce que The Killing Joke est une oeuvre violente, psychologique, extrêmement dure, et l’on se demandait si des compromis n’allaient pas être trouvés pour éviter quelques scènes. Mais bon, avec l’habituel Sam Liu à la réalisation et Brian Azzarello, qui n’est pas vraiment un manche, au scénario, on partait plutôt confiant.


The boring joke

Sans trop en dire, voici le point de départ de The Killing Joke : pour prouver que tout le monde peut craquer, le Joker s’évade de prison et planifie de rendre le Commissaire Gordon fou après lui avoir fait passer une très mauvaise journée. Bref, concis, je peux pas faire mieux. Le problème avec ce graphic novel c’est qu’il est plutôt court, en 30 minutes l’histoire aurait été terminée, il a donc fallu broder un chouia. Et quelle meilleure idée que d’insérer un élément de scénario complètement hors propos en dénaturant un personnage ? Pourquoi Brian ? Pourquoi ? Cette première demie-heure se focalise sur Batgirl, élément important pour la suite, et sa relation avec Batman au travers d’une traque d’un criminel qui en a après elle. Le soucis, c’est la façon dont est décrite Barbara. D’icône forte dans les bouquins, on la retrouve ici sous la forme du stéréotype de la femme de comics, qui se fait dicter ce qu’elle peut faire ou non par un homme, faible, incapable de s’en sortir toute seule. Tout cela va a l’encontre du personnage de base et s’avère presque malsain lorsque le dénouement de sa relation avec Batman se révèle. C’est inacceptable en l’état et de l’aveu même d’Azzarello sert juste à ajouter de la controverse, mais amène aussi à une dénaturation de l’oeuvre originale, mais j’y reviendrai en partie spoiler. Cette première partie en fera bondir plus d’un, en plus d’être assommante de médiocrité vis à vis de l’histoire, inintéressante, qu’elle raconte. Pour la partie originale, on repassera donc.



Batgirl-The-Killing-Joke

The classic joke

Il faudra donc attendre la deuxième partie pour voir enfin démarrer l’adaptation de Moore. Et sans surprise, le travail est extrêmement bien foutu. On y retrouve chaque plan, chaque scène, mêmes les plus choquantes. Certes, le dessin est bien moins fin que celui de Brian Bolland et l’animation parfois un poil ratée, mais on ressent la patte du graphic novel et c’est le principal. L’ambiance est pesante, malsaine, un rendu bien plus présent en animé que sur la version papier. D’ailleurs, ce sera sûrement la première fois que vous verrez cette version du Joker et si vous êtes habitués à le voir comme un simple clown, le choc n’en sera que plus terrible (vous comprendrez aussi que Christopher Nolan n’a rien inventé).  Moore avait réussi à ancrer son histoire dans un parfait équilibre entre folie et humanité, en faisant naviguer le point de bascule d’un bout à l’autre. Où se placer, comment réagir dans des situations dévastatrices, où se situe la frontière de la folie ? The Killing Joke est une oeuvre psychologique, et si, bien entendu, il sera difficile de s’identifier à un super-héros ou un taré psychopathe, Gordon servira de point d’attache. De même, la relation Batman/Joker atteint ici son point d’orgue, tous les deux étant parfaitement lucides sur la finalité de leur relation, de leur interdépendance. Ça en est parfois déroutant tant ils peuvent se montrer presque attentif l’un envers l’autre. Alan Moore avait touché du doigt l’excellence, et on n’a pas fait mieux depuis 28 ans sur cette relation. En somme, une oeuvre culte reste culte.



The-Killing-Joke-critique

En bref

Il faut commencer le visionnage de l’animé à la 30ème minute sous peine de se voir infliger une histoire sexiste bafouant les personnages de la Bat Family. Pour le reste, Sam Liu et Brian Azzarello ont fait un magnifique travail d’adaptation qui rend parfaitement hommage à l’oeuvre d’Alan Moore.

On a aimé :

  • la fidélité à l’oeuvre de Moore
  • l’interprétation de Conroy et Hamill
  • la relation Batman/Joker

On a moins aimé

  • la relation Batman/Batgirl
  • la première partie hors propos

Craquez vos PO si :

  • Vous voulez assister au point d’orgue de la relation Batman/Joker

Quittez la partie si :

  • les oeuvres malsaines c’est pas trop votre truc

 

Le coin du spoiler

Attention, ici on va parler de la fin de The Killing Joke et de l’importance qu’a la première partie de l’animé pour son interprétation.

Dans le graphic novel, le Joker raconte une blague à Batman, ayant au niveau du cou du clown, et tous les deux se mettent à rire sur plusieurs cases. Le plan baisse jusqu’à ne laisser voir que le sol et le rire de Batman.  Pour certains (et moi-même), ceci indique le passage à l’acte de Batman, qui en a fini avec le Joker, et donne son nom à l’oeuvre, The Killing Joke, la Blague qui tue. Après tout, l’oeuvre est un one-shot et ne devait pas entrer dans le canon de la mythologie, Alan Moore pouvait faire à peu près ce qu’il souhaitait. Sauf que dans les parutions qui suivirent, Barbara reste paraplégique et le Joker est bien vivant. Toujours est-il que cette scène est sujette à interprétation.

Batman-The-Killing-Joke-fin

Dans l’animé, c’est bien moins ambigu puisque la première partie met en avant la relation intime qu’entretient Bruce avec Barbara, dépassant alors le cadre du partenariat entre les deux. De même, l’attitude de Batman envers sa protégée démontre qu’il est prêt à tout pour la mettre à l’écart du danger. C’est pourquoi Azzarello a introduit un vilain qui semblait obsédé par Barbara. En refusant qu’elle ne s’investisse dans cette enquête, le chevalier noir indique son attachement profond pour la jeune femme. Il y a donc une relation bien plus poussée entre les deux protagonistes qui ne sert qu’un seul but : justifier le passage à l’acte de Batman. La scène de fin est identique, sauf qu’elle enlève certains doutes. Oui, il n’y a bien plus que Batman qui rit à la fin. Oui, le Joker se tait. Il n’y a plus trop d’ambiguïté, en touchant à Barbara, le Joker a fait basculer Batman de l’autre côté de l’abyme, une frontière qu’il aborde d’ailleurs avec Batgirl auparavant. De fait, on peut se poser la question de la légitimité de cet ajout qui ne sert qu’à justifier une interprétation. Ce qui faisait l’intérêt de la fin de Moore, c’est le doute qui persistait. Ici, en plus d’intégrer une relation qui dénature complètement les personnages, le doute ne peut plus subsister. Et c’est à mon sens ce qu’il fallait à tout prix éviter.

 

 

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