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[Test] Apotheon

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En février 2015, un petit jeu atypique pointe son nez sur les écrans de France, de Navarre, et même du monde entier. Un nez noir comme le jais, lisse et effilé ; et pour cause : Apotheon a cela de spécial qu’il insuffle la vie aux scènes antiques arborant les urnes grecques.

«Les dieux prennent pour acquise leur place au sommet du cosmos. Mais toute chose en ce monde ne se plie pas à leur volonté.» Ces quelques mots, prononcés par Thétis, nymphe des eaux, résument toute l’ampleur de la quête qui se profile. Abandonnés par Zeus et accablés par les plaies de l’Olympe, les âmes vulnérables que sont les hommes ne peuvent compter que sur Nikandreos, champion mortel devenu seul espoir d’une humanité déchue. Son objectif : foutre sur la gueule de Zeus, entité divine peu connue pour sa clémence ni pour son respect des droits de l’Homme.

Il recevra l’aide d’Héra, reine de l’Olympe, dont les relations conjugales demeurent quelque peu compliquées puisque son mari a une fâcheuse tendance, d’une part à prendre la grosse tête, d’autre part à aller faire la cour à de jeunes humaines en profitant honteusement de l’ascendant psychologique que lui procure son statut divin. Lourde tâche que voilà ; c’est pourtant bien Nikandreos que vos petits doigts ivres d’action mettront en scène pendant une dizaine d’heures. Voilà d’ailleurs venue l’occasion pour vous de vérifier une bonne fois pour toutes que non, faire déferler des hordes de soldats hargneux et des tsunamis sur un village paisible n’est pas autorisé par les convention de Genève.

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Les combats de boss sont bien amenés et exploitent aisément les caractéristiques du dieu qu’ils mettent en scène. Ici, un Poséidon très colère et les pieds dans l’eau s’apprête à renverser la coquille de noix de Nikandreos

La voie des urnes

Les décors de céramiques antiques d’Apotheon savent distiller leurs ambiance avec brio. En dépit de leur faible palette de couleurs, ils attribuent à chaque zone visitée une personnalité singulière. Il règne ainsi dans les enfers un angoissant mélange de bleu et de noir. Le rouge éclatant de la forge d’Héphaïstos rappelle le métal en fusion que le dieu de la métallurgie travaille sans relâche. Le couple du blanc et de l’orange, rassurant, parcourt les murs de l’Acropole, que l’on peut parcourir librement sans risque de croiser une divinité irritée à chaque coin de rue.

Le tout, saupoudré de musiques discrètes et adaptées au style, se révèle étonnamment très lisible, faisant du pari graphique du jeu d’Alien Trap une réussite. Apotheon est magnifique. Voilà, c’est dit. Mais c’est bien beau d’être agréable à l’œil ; pour valoir plus qu’une simple visite au musée du coin, encore faut-il proposer de bonnes mécaniques de jeu.

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Labyrinthique, la carte de l’Olympe regorge de passages secrets à explorer

Hypokhâstagne

Puisque partir en croisade contre le roi des dieux ne se fait pas sans quelques difficultés, Nikandreos se voit bien obligé d’occire du hoplite à un rythme industriel. Pour ce faire, lui est offert un système de combat dynamique, basé sur la parade, l’esquive et un bon sens des priorités : face à un colosse armé d’une lance, il vaudra mieux s’éloigner et se saisir de son arc plutôt que de foncer tête baissée. En revanche, une petite jarre explosive jetée au milieu de trois pégus en slip, ça fait toujours son petit effet.

Ce système se montre aussi stratégique que plaisant à manier. Dommage, cependant, que les frappes du champion des mortels ne se résument qu’à un unique type de coups : on peut déplorer l’absence d’un nuancier de frappes puissantes ou rapides, qui se serait parfaitement fondu au sein d’un tel parti-pris. Un manque rapidement occulté par le grand nombre d’armes à disposition, de la lance à l’épée en passant par l’arc, la fronde ou le marteau, qui possèdent chacune des caractéristiques propres.

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Si le surprenant système de craft peut vous sauver la vie, il se révèle la plupart du temps anecdotique, compte tenu de l’avalanche de consommables qui jonchent le chemin vers Zeus

Un arsenal prolifique, accompagné d’un souci majeur : se battre dans Apotheon nécessite de constamment s’adapter aux ennemis rencontrés, en jonglant sans cesse entre les types d’armes disponibles. Or, l’ergonomie du menu de sélection de l’armement est atroce : il est laborieux de parcourir son équipement à la recherche de l’arme désirée, et il n’est pas rare de passer quelques secondes à scruter fébrilement les menus au plein milieu d’un combat. Quelques secondes, lorsque l’on affronte une horde de soldats hurlant qu’ils nous étriperont au nom d’Arès, c’est très long.

La navigation est d’autant plus ardue qu’il est recommandé de bien gérer son inventaire pour éviter de se retrouver nu comme un ver. Car les armes ne sont pas éternelles, et leur durabilité s’effrite bien vite. Il faudra ainsi passer les ennemis les plus faibles au fil des armes les moins puissantes, afin de réserver épées légendaires et autres lances uniques au moissonnage des adversaires les mieux défendus.

Ces soucis d’ergonomie rendent certains passages plus difficiles qu’ils ne devraient l’être ; notamment lorsque Nikandreos affronte plusieurs ennemis en même temps. La prochaine fois qu’une bande de voyous avinés vous demande de gentiment leur céder votre téléphone dans la rue, faites le test : cherchez votre opinel dans vos poches pendant une dizaine de secondes pendant qu’on vous matraque à grands coups de bouteilles vides. Vous verrez, la technique fonctionne relativement mal.

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Diomède, guerrier mortel qui autrefois perça le flanc d’Arès, vous défie. À quoi sa lance va-t-elle bien pouvoir vous servir ?

Ça s’en va et ça revient

Le monde d’Apotheon s’explore librement : on y parcourt l’Olympe par le biais d’un lobby central, où l’on est libre d’évoluer en toute quiétude tant que l’on reste dans le rang (comprendre : ne pas sauter à la gorge du premier venu, et ne pas satisfaire sa soif de loot à la vue de tous). Un système de téléportation permet de se déplacer entre les différentes zones, qui abritent chacune un dieu différent : à vous les champs de Déméter, les enfers d’Hadès ou encore les vignes de Dionysos. Si l’accomplissement des nombreuses quêtes secondaires nécessite de faire des aller-retours au sein de la carte, la progression globale se fait de manière relativement linéaire ; à moins d’être un acharné du 100% et de vouloir découvrir tous les endroits cachés.

Apotheon n’est ainsi pas un Metroidvania à proprement parler, même s’il flirte avec le genre : les compétences spéciales acquises en trucidant ou assistant les dieux facilitent les combats, mais ne permettent pas en soi d’accéder à des zones inaccessibles auparavant. Le jeu pousse cependant largement à l’exploration : on trouve, jonchant de nombreux passages secrets, des armes ainsi que de l’argent, nerfs essentiels de la guerre. Certains équipements se débloquent suite à l’accomplissement d’une quête secondaire. D’autres sont cachés derrière des portes qu’il faudra déverrouiller à l’aide de crochets. Prenez garde cependant : les gardes de l’Olympe ne verront pas ces infraction d’un très bon œil…

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Le marché du lobby, havre de paix au sein d’un monde où des entités immortelles veulent votre peau, permet d’améliorer ses compétences au combat et d’acheter du matériel neuf

Plaire et instruire

Apotheon a cela d’intéressant qu’il propose d’approfondir les connaissances mythologiques de ses joueurs.  Des extraits d’hymnes homériques, de la Théogonie d’Hésiode, de l’Odyssée ou de l’Iliade jonchent le chemin qui mène à Zeus, pressés de délivrer leurs secrets quant aux réjouissantes histoires de meurtre et d’inceste des dieux. Il vous faudra cependant être adepte de la langue de Snoop Dogg pour espérer profiter au mieux de cet aspect du jeu : Apotheon n’est disponible qu’en version anglaise, et aucun patch fr ne se profile à l’horizon.

Cet aspect historique est d’autant plus pertinent qu’il s’intègre au gameplay de façon organique : les objectifs de Nikandreos se présentent souvent sous forme d’épreuves, de rites guerriers, en cohérence avec les trames narratives mythologique classiques. Tel Héraclès, Orphée ou Ulysse, le joueur d’Apotheon devra surmonter nombre d’obstacles afin d’atteindre un but transcendant ; ici, l’apaisement de la folie de Zeus et le retour de la sérénité chez les mortels.

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Athéna : sa vie, son œuvre, son égide et sa chouette

Gravir l’Olympe, c’est aussi l’occasion de rencontrer une bonne partie des membres du panthéon grec, et autres protagonistes mythiques. Il faudra libérer Daphné, nymphe muée en arbre afin d’échapper à la lubricité d’Apollon, emprisonnée dans les jardins de ce dernier. Payer Charon, pour franchir les eaux noires du Styx. Occire le champion Diomède et lui dérober sa lance, rare lame capable de blesser le terrible Arès.

Chaque personnage épouse naturellement les mécaniques de jeu ; ainsi le combat contre Artémis consiste-t-il en une grande traque du joueur, transformé en cerf par l’immortelle. Elle fit de même autrefois avec Acteon, talentueux chasseur mué en cervidé pour avoir osé poser son regard sur le corps nu de la déesse. Plus qu’un agréable jeu d’action plateforme, Apotheon est une promenade sur les flancs de l’Olympe, tout en fracas d’acier et en muscles huilés.

En bref

Pour le prix de trois paquets de cigarettes luxembourgeois (c’est dire si c’est peu), Apotheon propose combats tactiques en 2D, direction artistique originale et initiation à la littérature antique. Ça vaut le coup. Et si vous êtes anglophobe, suivez les flèches, tuez avant d’être tué, et acquiescez docilement de la tête lors qu’Héra vous adresse la parole.

On aime :

  • La direction artistique, originale et léchée
  • Le système de combat dynamique
  • La cohérence du scénario avec les textes antiques

On aime moins :

  • La navigation dans les menus, abominable
  • L’absence de traduction française
  • Les quelques soucis d’affichage des textes sous certaines résolutions

Craquez vos PO si :

  • Vous désespérez de trouver un jeu à l’ambiance originale
  • Vous être féru de mythologie, ou d’action plateforme, ou les deux

Quittez la partie si :

  • Vous préférez la mythologie romaine alors que tout le monde sait qu’ils ont tout piqué aux grecs

Apotheon – Pc/PS4/Mac/Linux – 14.99€

Nikandreos la maréchaussée

Magnifique, étonnamment maniable malgré un pari risqué, le jeu d'Alien Trap compte pour seul défaut une frustrante ergonomie aux fraises. Il se paye même le luxe de citer les grands classiques pour enrichir sa diégèse. Passionnés de mythologie ou de jeux d'action platforme, entre un chant de l'Iliade et un mythe d'Ovide, vous reprendrez bien un peu d'Apotheon ?

8
Note finale:
8

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