Je n’ai pas forcément l’habitude de m’étendre sur ma vie perso mais récemment il m’est arrivé deux ou trois trucs qui ont bouleversé mon rapport aux jeux vidéo, et même mon rapport à la culture ou à mon temps libre en général. Et c’est en faisant un peu le point sur tout ça que je me suis dit que « hey Captain Obvious, si ça t’arrive à toi, ça arrive forcément à d’autres » donc autant partager quelques tips.
PAF Le Jash
Pour être honnête, cet article aurait dû s’appeler « Comment le diagnostic d’un TDAH, qui arrive avec plus de retard qu’une femme enceinte, a changé mon rapport à la culture et comment j’ai appris à mieux gérer mon rapport au temps » mais niveau SEO c’était pas ouf, et la patronne reste tatillonne sur certains trucs.
Avant de rentrer sur le TDAH en lui-même, je pense qu’il est pertinent de revenir sur le pourquoi du comment et pour ça hop on commence par un bon vieux « 3615 My Life » comme ne disent surement plus les jeunes dans les cours de récré. Le 23 Novembre 2023, aux alentours de 7h du matin me prend la curieuse idée de me rendre à la salle de sport, histoire de développer les quelques muscles qui subsistent dans mon corps de geek trentenaire bedonnant. Plein d’entrain, je m’élance joyeusement dans le froid de l’hiver sous une bonne vieille pluie lilloise bien grasse. Comme je l’ai déjà fait de nombreuses fois, j’attend avant de m’engager sur le seul passage piéton sur la seule route que je suis censée traversé avant de rejoindre le temple du « No Pain No Gain » que je fréquente. Un charmant conducteur s’arrête, je m’engage, vérifie que la seconde portion de route est safe avant de m’engager tranquillement. Et là, horreur, malheur, alors que je suis en plein milieu du passage piéton, les phares d’une voiture, pourtant assez loin au premier abord, débarquent dans mon champs de vision. Un instant fugace pendant lequel je me dit « tiens, quelle drôle d’idée de mettre des phares ici, oh putain je vais mourir, mais fais quelque chose Jash ou tu vas passer de l’état humain à l’état chou farci sous peu ». Ne me demandez pas comment mais ces simples phares dans mon champ de vision m’ont juste donné le réflexe de … sauter, enfin je crois.
Toujours est il que paf ma tête heurte le pare brise du conducteur, qui ne m’a visiblement pas vu sur ce passage piéton pile sous un lampadaire parce que « mais bordel vous êtes habillé en noir alors qu’il fait noir ! ». Je me relève pratiquement instantanément et, après avoir hurlé l’intégrale du dictionnaire des insultes, je respire un grand coup avant de constater que « ok tout va bien, j’ai tout ce qu’il faut là où il faut ». Je rentre alors joyeusement chez moi, un peu sous le choc, mais comme le confirmera le toubib 1h plus tard « entier et en bonne santé » … enfin pour le moment. Même si physiquement je m’en sors relativement bien, les jours suivant j’ai la carafe qui commence à sérieusement surchauffer et j’enchaine crises d’angoisses, insomnies j’en passe et des meilleures.
Vous l’aurez compris, c’est à ce moment que j’entre dans ce joyeux monde qui m’était alors totalement inconnu : la psychiatrie ! Bon je suis un peu déçu, on est vachement loin de l’asile d’Arkham et le psychiatre est plutôt sympa. On discute un peu et me voilà diagnostiqué d’un « Syndrome de Stress Post Traumatique », un classique après ce genre d’événements. Tout aurait pu s’arréter là sauf que visiblement ce charmant docteur bloque un peu sur certains points et me questionne sur mes habitudes avec des questions du genre :
- « Il vous arrive d’être impulsif ? »
- « C’était comment l’école quand vous étiez plus jeune ? »
- « Vous êtes toujours agité comme ça ? On dirait que vous avez du mal à tenir en place. »
- « Do you bleed ? »
- « Quel est le métier de Joe le taxi ? »
- « Vous avez votre carte vitale ? »
Tout ça pour en arriver à la fin à « Mes félicitations, c’est un TDAH » !
ATTENTION, Trouble de l’attention !
Derrière cet acronyme un peu barbare se cache un trouble dont on entend beaucoup parler ces dernières années : « trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité ».
Ayant grandi à l’époque bénie du Club Dorothée, des Pogs et du Tang, l’habitude était plutôt d’appeler ça hyper activité ou « petit con mal élevé » et donc impossible de poser un diagnostic là-dessus. Les années passant, j’ai plus ou moins appris à compenser et à vivre ave,c jusqu’à ce qu’un conducteur ne décide donc à jouer à Wii Bowling avec ma tête.
Maintenant, c’est bien beau mais me vient la question de « Mais Jamie, c’est quoi le TDAH ? ». Ni une ni deux me voilà parti fouiller Doctissimo (un peu) et des articles de recherches de psychiatre, neuropsychologue et plein d’autres médecin avec les mots « psy » et « neuro » dedans (beaucoup).
Premier constat : la recherche n’est pas super avancée sur le sujet car finalement assez récente. Deuxième constat : on n’est pas encore sûrs d’où ça vient ni comment ça fonctionne. Les chercheurs ne sont même pas d’accord sur la façon de catégoriser les différents TDAH.
Mes quelques lectures m’ont quand même appris pas mal de choses interessantes. Déjà le TDAH est un trouble dans lequel on retrouve un ensemble de trois symptômes :
- Symptome d’innatention
- Symptome d’hyperactivité
- Symptome d’impulsivité
Bon là comme ça, ça ne m’avance pas des masses. J’ai jamais eu l’impression d’être hyperactif ou de péter un plomb dés qu’on me dit quelque chose. Pas étonnant, la définition que je me faisais de ces quelques mots était d’ores et déjà biaisée. L’hyperactivité ne se résume pas forcément à être branché sur du 220 et avoir envie de courir partout, il peut simplement s’agir de « fidgeting » constant ou tout simplement d’une hyperactivité cérébrale. Physiquement ça ne se voit pas mais au niveau de la cafetière ça bout en continu. Idem pour l’impulsivité qui se définit plus proprement par « un comportement direct adopté par un individu sans que celui-ci pense aux conséquences de ses actes » auquel peut être lié un manque de planification mentale, une recherche du plaisir à court terme…
Dopamine et noradrénaline : fournisseurs officiels de l’attention
Ensuite, une explication chimique m’a permis de mieux distinguer certaines choses ressenties au quotidien. Le TDAH est lié à deux neurotransmetteurs importants : la Dopamine et la Noradrénaline.
La Dopamine, qui agit comme une lentille, qui va nous permettre de nous concentrer spécifiquement sur une tâche. Quant elle est bien stimulée, elle permet également de trouver la motivation pour initier cette tâche. La Noradrénaline elle, qui n’a rien à voir avec une adrénaline qui parle chti, fonctionne comme un filtre qui permet de mettre de côté des stimulus et des informations moins pertinentes à un instant T.
C’est la combinaison de ces deux neurotransmetteurs qui permet à tout un chacun d’avoir une attention fonctionnelle.
Ces neurotransmetteurs jouent également un rôle important et lie l’ensemble autour de ce qu’on appelle un système de récompense ou un circuit de récompenses. Une personne TDAH sera beaucoup plus sensible aux réponse rapides qu’aux récompenses à long terme. Ce dysfonctionnement du système de récompense allié à des fonctions exécutives foireuses finit par donner un super cocktail qui va rendre les TDAH plus sensibles à des choses comme :
- L’addiction
- La dépression et des problèmes de gestion des émotions
- Des comportement à risque que ce soit pour leur vie en général ou pour leur santé financière, sociale…
Le Mozart de ton cerveau qui se transforme en Patrick Sébastien
Visiblement, ce joyeux bordel, qui aurait principalement une origine génétique, résulterait d’une « maladie » du neurodéveloppement, comprendre « un réseau neuronal qui se développe différementt par rapport à la norme ». La différence se ferait principalement au niveau du lobe frontal de notre cher cerveau.
Ce lobe frontal est censé, quand tout va bien, fonctionner comme un chef d’orchestre pour ce que l’on appelle les « fonctions exécutives ». Ces fonctions magiques comportent pêle-mêle :
- l’attention
- la flexibilité mentale
- l’inhibition
- la planification
- l’organisation
- la gestion des émotions
Des trucs qui, derrière un nom un peu ronflant, se révèlent quand même assez utiles dans la vie quotidienne. C’est d’ailleurs ces fonction exécutives qui rendent le TDAH particulièrement difficile à diagnostiquer chez l’adulte.
Pour résumer, tous les enfants ayant à peu près la même « expérience de vie », les capacités de ces fonctions exécutives sont à peu près égales chez eux, en mettant bien entendu de côté les enfants souffrant d’autres troubles du neurodéveloppement. Si un enfant semble complètement à la ramasse sur ses fonctions exécutives par rapport aux autres, il sera plus simple de le distinguer pour ensuite creuser plus avant et poser un diagnostic.
Chez l’adulte c’est plus compliqué, les fonctions exécutives évoluant avec les expériences de chacun via ce qu’on appel notamment la mémoire de travail, soit la capacité à gérer des infos, les mettre dans le bon ordre, faire les liens qui vont bien etc. Pour résumer simplement, un adulte qui a toujours vécu au crochet de quelqu’un se chargeant pour lui de planifier sa vie, ranger derrière lui etc. aura des fonctions exécutives à la masse mais sans être TDAH pour autant. Au contraire, un adulte a pu développer ces fonctions mais se retrouver trés vite débordé ou dépassé dés qu’un élément externe vient perturber une machine pourtant bien rodée, dans ce cas il pourra être diagnostiqué TDAH alors que ses fonctions exécutives sont plus développées que notre premier sujet.
Le salut par la roulette
Maintenant, comment est-ce que ce TDAH se manifeste chez moi ? En prenant un peu de recul j’ai retrouvé énormément de marqueurs achevant de me faire dire « putain mais c’était sous mon nez en fait… ». J’ai vu cette faculté que j’ai de très facilement me laisser happer par des gatcha, par le dernier jeu à la mode ou la dernière édition collector vendue beaucoup trop cher. J’ai vu mon incapacité à me poser dans un RPG pour planifier mon build en me tournant directement vers un guide tout fait. J’ai vu la difficulté pour rentrer dans certains jeux un peu trop verbeux.
Quand le psychiatre m’a demandé comment je le vivais si j’essayais de repenser un peu à tout ça, deux image me sont venues en tête. Les jours où ça va mal, l’impression de constamment jouer une partie de Tetris un peu hard sans avoir la possibilité de tourner les pièces. Parfois ça s’emboite sans soucis mais je suis régulièrement obligé de forcer comme un bourrin pour entasser tout ça comme je peux. Les jours où ça va mieux, c’est plutôt l’impression d’avoir un giga canon à proton type Ghostbuster mais impossible d’utiliser toute cette énergie car je suis incapable de la diriger où je voudrais.
Avoir le diagnostic c’est une chose mais maintenant comment je me soigne ? Bon ben mauvaise nouvelle, le TDAH ça ne se soigne pas, on apprend à vivre avec et à le prendre en compte pour améliorer notre quotidien. D’abord niveau médication le méthylphénidate, commercialisé et plus connu sous le nom de Ritaline, m’aide à mieux concentrer cette énergie et me permet de tourner grossièrement les pièces du Tetris. Ce n’est pas parfait, le médicament est très difficile à doser et il me faudra encore quelques mois pour trouver la posologie idéale.
Ensuite, dans mon quotidien j’ai appris à mieux gérer mon temps. Dans un premier temps je me suis forcé à un cadre ultra strict tout en me reposant sur le hasard. J’ai toujours aimé beaucoup de choses, toujours eu envie de tester de nouvelles choses et ce sentiment se ressent dans ma vie de gamer, difficile de me focus sur un seul jeu et donc de les finir par exemple.
J’ai commencé par me mettre en place des sessions de 2h strictes découpées de la façon suivante :
- Deux heures sur un jeu avec une fin, un scénario, un cadre etc. tiré au hasard parmi un jeu PC, un jeu console, un jeu console portable.
- Deux heures sur un jeu service ou un jeu sans fin tiré là aussi au hasard sur une roulette.
- Une heure de culture tirée au hasard sur de la lecture de magazine, de roman, de manga, de comics ou un film/série.
Si je suis interrompu sur cette plage de 2h, je mets mon minuteur en pause et je reprends dès que je retrouve du temps libre.
Cette organisation a été frustrante au début car je ne faisais pas forcément ce dont j’avais envie à un instant T, mais c’est également ce qui m’a permis de reprendre des jeux laissés de côté, et même, d’en finir certains. Idem niveau lecture, j’ai pu diminuer ma pile à lire et je n’ai jamais réussi à regarder autant de films et de séries que ces derniers mois.
Une fois à l’aise avec cette organisation et suffisamment confiant pour assouplir un peu les règles, j’ai commencé à les modifier petit à petit. J’ai commencé par supprimer la partie « aléatoire » de chaque session en me consacrant 2 heures à un jeu solo puis un jeu service puis une activité sans écran.
A force d’ajustement, aujourd’hui j’ai trouvé l’organisation qui me correspond et qui me permet d’apprécier pleinement mon temps libre. Ma seule contrainte : je m’oblige à lire 1h chaque jour en commençant par finir mes magazines du mois puis à lire mes BD ou mon roman en cours puis je me bloque 1h durant laquelle je vais travailler ma créativité. Je me « force » à écrire, dessiner ou simplement me former sur quelque chose qui m’intéresse et qui me trotte dans la tête.
Quelque chose qui restait juste une « envie » ces dernières années mais à laquelle je n’étais pas en mesure d’accorder suffisamment d’attention. En dehors de ce temps, je m’autorise des phases de 2 heures de jeux vidéo au choix, sans même avoir besoin de me forcer à finir ce que j’ai commencer, avant de démarrer une nouvelle aventure. Maintenant, je parviens à apprécier pleinement ces deux heures et à concentrer mon attention sur l’instant présent. Idem pour ma vie professionnelle ou je créé une bulle loin de tout ce qui pourrait me distraire par segment de deux heures.
Tout doux liste
Pour mieux structurer mes journées ou mes projets je m’appuie également beaucoup sur des outils type « todo list » ou même « wish list » pour des choses que j’aimerais faire dans le futur. Pour la partie jeux vidéo j’utilise par exemple « Game Tracker », une applis MacOS/iOS qui permet de se créer des listes de jeux fait, à faire, abandonnés tout en y accolant un commentaire ou un temps de jeux pour s’y retrouver plus facilement. Ce genre d’outil a fleurit sur les catalogues d’applications que ce soit pour le jeux video, le cinéma ou la lecture.
Au quotidien, je me suis également mis à découper beaucoup de tâches en todo list. Le moindre élément pouvant me sortir de « l’instant », mon entourage proche a pris l’habitude de ne pas m’interrompre lors d’une tâche en cours et, au besoin, ces listes me permettent de me raccrocher rapidement pour m’aider à savoir « où j’en et où je vais ». A force de répétions, j’arrive de plus en plus à mettre les idées dans le bon ordre par automatisme et je parviens de plus en plus à m’en détacher. Un peu comme un recette qu’on finirait par connaitre sur le bout des doigts et que l’on finirait par faire sans même y réfléchir.
Au bilan de mes réussites, j’ai réussi à reprendre la lecture avec plaisir. J’ai même fait le choix de me réabonner à deux magazines papier, chose qui ne m’était pas arrivé depuis très très longtemps : Canard PC et Jeux Vidéo Magazine.
J’ai réussi à regarder et même apprécier des séries au format long. Avant, rester 50 minutes passif devant un épisode m’était totalement impossible. J’étais obligé de découper les épisodes en 2, je passais mon temps sur mon téléphone et au final ne parvenais pas à apprécier l’oeuvre. Idem pour le cinéma, pour la plus grande joie de Madame nous avons notre rendez vous hebdo où nous nous posons tranquillement devant un film sans rien faire à côté.

Enfin, niveau jeux vidéo j’arrive enfin à rentrer dans des jeux que je jugeais trop verbeux, je prends d’ailleurs un pied d’enfer sur de Baldur’s Gate 3. J’arrive même à me ménager du temps pour jouer à World of Warcraft et quand j’ai envie de chill, Fantasy Life I sur Steam Deck est une vraie bouffée de fraicheur.
Cette organisation, parallèlement à un traitement médicamenteux, m’a permis de totalement revoir mon rapport au temps qui, avec du recul m’angoissait beaucoup trop. Cette impression de ne jamais avoir le temps ou ce besoin de toujours courir à droite à gauche pour finalement ne rien faire m’a trop porté préjudice. Cette prise de conscience m’a également permis d’adopter le « slow gaming ». En courant toujours aprés la nouveauté, j’ai laissé de côté bon nombre de jeux qui méritaient plus d’attention. J’ai totalement dédramatisé le fait de ne pas jouer au dernier jeu à la mode et je n’ai jamais autant apprécié jouer à mes « vieux » jeux.
Je ne suis pas médecin, même pas scientifique et bien sûr tout ce que je décris ne découle que de mon expérience personnelle. Même si mon diagnostic m’a permis de mettre en place une organisation qui me convient, elle peut ne pas convenir à une autre personne TDAH. Le seul conseil que je me permettrais de donner est de ne pas avoir peur d’aller voir un professionnel si vous vous reconnaissez ici. Si votre rapport au temps vous gâche la vie, si vous êtes fragile à la moindre sollicitation commerciale ou même si on vous répète constamment que vous coupez tout le temps la parole, que vous êtes constamment à l’ouest, que vous êtes bordélique : parlez-en. Ce diagnostic m’a sauvé la vie et me permet aujourd’hui d’aborder l’avenir de façon beaucoup plus sereine. Ce que beaucoup de personnes appellent simplement « l’étourderie » ou « être dans la lune » peut cacher un vrai trouble et si vous enlever ce poids peut vous permettre de mieux vivre au quotidien, alors rapprochez-vous d’un professionnel de santé et n’ayez pas honte de parler de votre mal-être.
Sources :
- PsykoCouac – « TDAH »
- PsykoCouac – « TDAH (adulte, modèles et traitement) »
- Le Devoir – « Être adulte avec un TDAH | Débrouillage »
- Canadian ADHD Resource Alliance – « Diagnostic différentiel et trouble comorbides »
- Eduardo Gallo & Jonathan Posner – « Moving towards causality in attention-deficit hyperactivity disorder: overview of neural and genetic mechanisms »
- Ma’ayan Shimoni, Batya Engel-Yeger & Emanuel Tirosh – « Executive dysfunctions among boys with Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD): performance-based test and parents report »