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[Brain Fap] Punir le joueur pour l’immerger dans le jeu

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Hey toi ! Tu aimes te taper une petite branlette intellectuelle sur les jeux vidéo de temps en temps ? Si oui, tu tombes très bien, puisque dans cette nouvelle chronique je vais me permettre de discuter de manière réfléchie sur divers aspects du jeu vidéo. Toutes les deux semaines (si tout se passe bien) je porterai une réflexion sur un élément d’un ou plusieurs jeux afin de mieux comprendre le but de celui-ci et ses incidences sur le joueur. Et le sujet de ce premier numéro s’intitule donc « Punir le joueur pour l’immerger dans le jeu ». Allez, viens ! Viens te faper en ma compagnie, c’est bien plus sympa à deux…

J’ai eu l’idée de cet article lorsque j’ai regardé un ami jouer à The Last Of Us pour la première fois. Au tout début du jeu (aux alentours des 20 premières minutes de jeu), alors que des gardes armés surveillent des personnes potentiellement infectées, vous passez à quelques mètres d’eux dans la rue, mais vous n’êtes pas sensé interagir avec eux. Cette scène est centrée sur la narration, Joël (le héros que vous contrôlez) ne doit pas faire grand-chose, mis à part marcher dans la rue au côté de sa « teammate » Tess.

Ainsi si vous décidez de faire le malin et de vous approcher des personnes surveillées par les gardes, ces derniers vous repousseront et vous menaceront. Le but du level designer est évidemment de vous faire comprendre gentiment que vous ne devez pas vous occuper de cela, il n’y a pas d’interaction possible. On se rend compte aisément que cette scène sur le côté de la route participe à l’ambiance, rien de plus. Cependant lorsque vous êtes un sacré chieur, comme mon pote (ou juste curieux, mais lui, c’est juste pour faire chier), vous vous faites repousser une première fois mais vous n’abandonnez pas et vous recommencez une deuxième fois, et… BANG ! Joël se retrouve avec une bonne grosse bastos entre les deux yeux. Et vous n’avez plus qu’à recommencez la séquence, en évitant, cette fois-ci, de faire le mariole face à ces gardes antipathiques.

Venez embêter les gardes avec leurs beaux M16, vous n’allez pas être déçu du résultat.

 

Ce que je souhaite mettre en lumière ici c’est la fulgurance de la punition que les game designer ont voulu mettre en place. Il faut bien comprendre que The Last Of US commence avec une séquence poignante émotionnellement, impliquant fortement le joueur. Ainsi celui-ci saisit rapidement que le propos du jeu est sérieux, que c’est une aventure dans laquelle il faudra plonger dès le début si l’on veut en extraire toutes les sensations qu’il nous réserve. L’objectif de cette mort stupide est donc d’envoyer un message tacite au joueur, dont voici le contenu : « Mec, si tu continues à jouer au con, à courir partout, et à essayer de foutre la merde dans la mise en scène que l’on a imaginé pour ton bon plaisir, tu risques de mourir de manière très conne tout au long du jeu. Respecte notre level design et ça devrait bien se passer ». De fait, par la suite, le joueur ne tentera plus de détruire la mise en scène par son comportement, ou y sera moins enclin.

Nous pouvons aussi observer ce phénomène dans Sleeping Dogs. Ce GTA-like nous propose des missions pour le compte de la Triade et d’autres pour la police de Hong Kong, puisque le joueur incarne un policier en filature. Ainsi lors des missions policières, les victimes collatérales auront un impact négatif (symbolisé par un indicateur de points) sur le score que vous établirez lors du bilan final de la mission. Cette mécanique logique, compte tenu du contexte, est intéressante car sa conséquence indirecte influe sur le joueur en dehors des missions. En effet, si l’on excepte une poursuite avec les forces de l’ordre, tuer la veuve et l’orphelin alors que l’on se balade dans la ville, n’aura pas d’influence sur le joueur ou son environnement. Mais le joueur ayant été conditionné à ne pas blesser ses concitoyens virtuels, durant les missions de la police, fera attention à ne pas leur faire de mal non plus lors de ses déplacements hors missions. Moi-même il m’est arrivé de rouler trop vite dans la ville et de faucher quelques passants en me disant « Merde ! Mon score ne sera pas parfait », et ensuite de me rendre compte que cela n’avait aucun effet sur mon score car je n’étais pas en mission.

Le « Cop Score », ici en haut à gauche, sera parfait si vous ne faites pas de tort à la population durant les missions. Une habitude que l’on prend très vite, même en dehors des missions.

 

Alors, certes, on pourra reprocher que l’on fait attention aux piétons non pas parce que l’on a un attachement émotionnel pour eux, mais bien par intérêt. Et malgré la véracité de cette remarque je suis persuadé que cette mécanique m’a permis de mieux m’immerger dans le jeu et qu’elle fut bénéfique pour mon plaisir de jeu.

Au final, nous pourrions dire qu’au-delà de la punition, les développeurs ont pour objectif de motiver le comportement du joueur afin qu’il agisse comme ces premiers l’ont prévu, ce qui aura comme effet de rendre le jeu plus immersif.

Mais cette réflexion est bien souvent tout à fait subjective, puisque chaque joueur n’aura pas les mêmes a priori selon sa sensibilité, son vécu personnel et son vécu de joueur. Comme ce fut le cas pour moi concernant les jeux Assassin’s Creed et Dishonored.

Il m’a effectivement été beaucoup plus facile de rentrer dans la peau de Corvo que celle d’Ezio, puisque dans Dishonored je sais que si je décide l’approche bourrine, je serais puni par une grande présence de civils infectés par la Peste, entravant ma progression. Ce qui me poussera à opter plutôt pour l’approche furtive. Alors que dans Assassin’s Creed, je peux tuer tout le monde sans être pénalisé (mis à part le nombre de gardes important à occire), ce qui ne correspond pas à ma conception de l’Assassin. Ainsi je me sens plus assassin en jouant Corvo qu’Ezio. Et ce manque d’immersion est l’une des raisons qui m’ont fait décrocher des Assassin’s Creed. Cependant il ne faut pas oublier que la vue à la première personne est réputée comme beaucoup plus immersive, de base. De ce fait il est possible que cet élément de game design soit aussi responsable, en partie, de mon impression d’immersion.

Le concept de l’Assassin n’est pas vraiment respecté dans Assassin’s Creed (selon ma propre conception). Finalement, se faire détecter ne vous pénalisera pas sur la longueur.

 

Pour finir, je dirais que la punition peut-être un moyen de rendre l’expérience plus immersive, et plus agréable pour le joueur (et ce n’est pas nécessairement masochiste), mais que tout est question d’équilibrage avec la récompense que l’on en retire.

Mais le joueur accepte rarement de se faire punir s’il n’obtient pas quelque chose d’agréable en retour. Si dans TLOU la récompense est simplement de vivre plus intensément l’histoire, dans Sleeping Dogs et Dishonored, l’objectif est, respectivement, de gagner plus de points, et de se faciliter la progression dans le jeu (et aussi de se la péter auprès de ses potes grâce ses Achievements / Trophées ).

Les développeurs se doivent donc, parfois, de punir le joueur afin de lui faire vivre ce qu’ils avaient envie. Ce qui, en terme d’immersion, peut être particulièrement appréciable si l’univers développé et les récompenses qu’offrent le jeu valent réellement le coup.

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