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[Critique] Les 4 Fantastiques

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Décrié avant même la révélation des premières images, le reboot des 4 Fantastiques ne commençait pas sa période d’exploitation sous les meilleurs auspices. Et pourtant, le film de Josh Trank possède une certaine aura et reflète les maux d’un genre en plein Âge d’Or.

Comment aborder la critique d’un film déjà jugé avant sa sortie ? Ballotté entre la haine incroyable de fanboys autoproclamés, les délires de producteurs d’un genre désormais formaté et la vision d’un jeune réalisateur qui n’aurait sans doute pas du voir si gros, Les 4 Fantastiques est une oeuvre schizophrène, un nouveau cas d’école, quelque chose qui ne laisse pas forcément indifférent.


Entre cinéma d’auteur…

Josh Trank est doué, il nous l’a déjà prouvé avec son excellent Chronicle. Il fait partie de ces jeunes talents, marqués par des réalisateurs iconiques, des genres qu’ils ont su digéré pour les recracher à leur sauce. Cela se ressent, fortement. Loin des carcans habituels des films de super-héros, Trank nous sert une origin story, une longue origin story, qui pose des questions, s’intéresse à ses héros. Et il le fait avec brio. Le film prend son temps et cela décontenancera les habitués du toujours plus vite, toujours plus fort. En soit, Les 4 Fantastiques n’aurait jamais du être un film de super-héros, c’est avant tout un film de science fiction, l’histoire d’un gamin incompris, Reed Richards, qui veut marquer son temps. Trank y instaure un équilibre assez dingue entre la naïveté d’une production Amblin et l’horreur viscéral d’un Cronenberg. Des influences de bon goût, en soit. Ainsi, vous n’échapperez pas aux doutes, aux failles, aux questionnements des protagonistes apportant un point de vue inédit à un genre qui peine à se renouveler et ce même si la façon de faire est maladroite, la faute à quelques acteurs en roue libre ou hélas évincés la majeure partie du film. Et tant pis si Johnny Storm est noir, tant pis si Sue Storm est adoptée, tant pis si Ben Grimm n’est pas une montagne de muscles, tant pis si Victor Von Doom est un hacker, les personnages sont là, ils vivent. J’ai pris un réel plaisir à voir cette petite équipe suivre son rêve, construire cette machine permettant de voyager à travers les dimensions, jusqu’à ce que tout foire et que les bêtes de cirque apparaissent. Parce que non, Les 4 Fantastiques ne sont pas des super-héros, ce sont des monstres, des anomalies. Cette impression sera renforcée par cette sublime scène de la découverte des corps changés, des esprits traumatisés. On est bien loin de l’adaptation cartoonesque de Tim Story, c’est plus du côté de l’univers Ultimate qu’il faudra piocher. L’aventure proposée commence alors à prendre une forme inattendue ainsi qu’un propos très intéressant sur la découverte scientifique, la peur du changement et de l’inconnu.





… et cinéma formaté

Et c’est à ce moment là que tout se vautre lamentablement. Que s’est-il passé ? Le dernier tiers du film n’est qu’un amas d’ellipses incohérentes, de scènes charcutées par un montage effectué à la tronçonneuse, d’effets spéciaux ratés, de personnages caricaturaux. D’un coup, on a tout bonnement l’impression que Josh Trank a laissé sa place à quelqu’un d’autre tant l’orientation du film change du tout au tout. Et puis reviennent en mémoire les informations indiquant que la Fox n’était pas satisfaite du film, que des séquences seraient retournées, que le producteur Simon Kinberg reprendrait les rennes du films. Tout s’explique. Il fallait reprendre une charte orientée divertissement, il fallait offrir ce à quoi le public est habitué : un méchant pas gentil et de l’action. Le film s’en sortait pourtant très bien rien qu’avec son ambiance et son propos. Tout devient alors plus lisse, plus convenu. Exit alors le développement des personnages, exit le propos de la militarisation, place à un Victor Von Doom qui veut tuer tout le monde parce qu’il est méchant, obstruant alors l’ambiguïté constante du personnage établie jusqu’alors. S’enchaînent alors des séquences lamentables, des scènes d’action écrites à la va vite ponctuées par une scène finale sans idées, expédiée au plus vite, déjà vu des centaines de fois, parce qu’il fallait la faire. Notons tout de même cette séquence dantesque, hommage à Scanners, comme ultime pied de nez de Trank à un studio qui n’a pas pu gommer toutes les idées de son jeune réalisateur.





En bref

Les 4 Fantastiques est un film fascinant. D’une part par la (ré)vision d’une mythologie par un Josh Trank débordant de bonnes idées qui offre une première moitié de film très réussie, mais aussi par cette main mise des studios terrorisés par la nouveauté, symbole d’une industrie du divertissement ancrée dans sa routine. Il serait peut être temps de revoir nos propres attentes, sous peine de manger le même popcorn et de rater les idées novatrices de jeunes réalisateurs étouffés. 

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1 Comment

  • Reply
    Gizmo
    06 Août 2015 11:58

    Bien vu ! Tu as mis le doigt sur « ce petit truc » qui fait que je n’ai pas du tout détesté le film. Par contre je te trouve très (trop ?) bienveillant avec Trank tout de même. Il y avait certes de bonnes idées et de bonnes références mais l’exécution était très brouillon, y compris dans les deux premiers tiers. J’ai plutôt ressenti un « Dommage, ce film aurait pu être super vu les idées de base ! » qu’un émerveillement sur le début.

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