Cinéma Divers 9

[Dossier] La Vague Ninja des années 80/90 Part I

ninja

Ils sont partout et sont arrivés en masse lorsque la plupart d’entre nous étions gosses ou pas encore nés. Ils sont devenus peu à peu des personnages récurrents dans l’univers des jeux vidéos…  Non je ne parle pas des Kebabs bœufs, mais de ces personnages souvent vêtus de noir et doués pour les acrobaties et la magie : Les ninjas !

On les utilise aujourd’hui dans de nombreuses vidéos humoristiques et comme un terme du vocabulaire des mmos(se faire « Ninja » un loot). Ils sont si populaires qu’ils viennent squatter dans les livres de règles de donjons et dragons et dans la biographie de Frank Dux. Déclinés à l’infini dans de nombreux films d’actions des années 80, vendus en figurines plastiques et devenant même parfois un métier de rêve pour les gosses (qui écrivent sur la fiche pour le prof que, plus tard, ils veulent devenir Ninja) ils sont devenus des icônes à part entière.

C’est une bonne raison pour faire un dossier sur eux et sur leur apparition massive dans les années 80 et 90. On commencera par une sorte de point culture afin de les replacer dans leur contexte historique. Bien évidemment tout cela ne sera qu’un vaste résumé (mais ça fait quand même un putain d’pavé) mais celui-ci servira à déterminer le « véritable » ninja à titre de comparaison avec la figure pop dont nous parlerons plus tard.

Guerrier en position mudra entouré par de nombreux génies. Kuniyoshi (1843)

Foutoir originel

Lorsqu’on se penche sur les ninjas, on se rend vite compte qu’ils ont finalement bien caché leur histoire. On en sait peu sur leurs premiers pas et sur l’origine historique de ces personnages.  Néanmoins plusieurs hypothèses et influences ont été retenues pour expliquer l’origine et l’apparition des ninjas.

Ils furent mentionnés pour la première fois lors de la période Muromachi (1378- 1489) comme des hommes venant des régions d’Iga et de Koga capables de s’introduire dans les châteaux et de se faire passer pour des alliés aux yeux des ennemis. Néanmoins on ne sait pas précisément depuis quand ce type de mercenaires existaient puisque l’art de l’infiltration et de l’espionnage était déjà mentionné dans l’art de la guerre de Sun Tzu, importé au VI ème siècle au Japon.

On peut cependant comprendre un peu mieux l’arrivée des ninjas en observant de plus près les régions d’Iga et de Koga. Celles-ci sont naturellement entourées de montagnes avec au sud la région de Kumano réputée pour ses pirates qui utilisaient des techniques de grappins pour aborder les navires (similaires à celles des ninjas donc).

Aussi, les régions montagneuses du Japon accueillaient des moines et des ascètes (Yamabushi) qui voyaient ces zones de relief comme un endroit idéal pour s’isoler et se rapprocher de la nature. Les Yamabushi recherchaient à maîtriser le Shugendo, concept ésotérique visant à développer des pouvoirs spirituels, mystiques voir magiques.  Cette pratique du Shugendo allait également de pair avec une pratique des arts martiaux quotidienne. Il est donc très probable que les Yamabushi eurent une influence  sur le développement du Ninjutsu.

Yamabushi armé d'une Naginata

Les régions d’Iga et de Koga étaient indépendantes et n’étaient pas soumises aux taxes ou au contrôle d’un daimyo ( Gouverneur de province ou seigneur). Celles-ci attiraient donc des guerriers sans maître (les fameux ronins) et des étrangers en exil (surtout Chinois et Coréens) qui apportaient avec eux des techniques de combats.

On peut ajouter à cela le fait que les ninjas étaient vu comme des eta (parias ) ou hinin (les non humains) bref comme des sous merdes liés aux métiers du cuir et du sang ou touchant de près ou de loin à la mort (bourreaux par exemple, croque mort) ou à la mendicité et autres activités . On peut aussi voir l’origine du ninja comme ayant été influencé par ces classes sociales, en particulier lorsque l’on sait que celles-ci incluaient des gens du spectacle et donc éventuellement des « magiciens » et vagabonds.

Jiraya attaquant le serpent Orochimaru, personnage de conte japonais repris par le kabuki , Jiraya est décrit comme un magicien et un ninja. Il inspira le personnage éponyme de Naruto. (Utagawa Kuniyoshi)

Qui étaient-ils, quel était leur rôle ?

Le terme ninja et la tenue noire sont tout particulièrement récents. On appelait davantage les Ninjas par le terme Shinobi ou  par celui d’hommes d’Iga et de Koga. Pour ce qui est de la combinaison noire, celle-ci n’apparaît qu’à partir de 1780 en des peintures pour illustrer des chroniques militaires et plus tardivement au XIX ème siècle pour illustrer des personnages légendaires,encenser une histoire passée voir carrément les utiliser comme personnages diaboliques pour des illustrations érotiques. Les véritables Shinobi étaient d’abord des mercenaires employés pour des sièges ou des assassinats mais aussi en des gardes du corps et des espions. Ce qui explique qu’ils furent à leur apogée lors des périodes de guerre et en particulier pendant la période Kamakura ( 1192-1333) et la période Sengoku (1400 – 1603 ).

Tentative d'assassinat sur Oda Nobunaga par Manabe Rokuro déguisé en ninja. Tayonobu publication en 1883

Malgré cette idée préconçue de tenue noire et de super espion on sait que les ninjas utilisaient en effet des outils diverses et variées : grappins, shurikens (armes de jets), sabres courts (Ninjato) , diverses griffes et fléchettes, voir même des sortes de petits clous qu’ils lançaient derrière eux et qui s’enfonçaient dans les sandales de leurs poursuivants. Mais,bien souvent, le ninja se cantonnait à investir un château à l’aide d’un déguisement pour ensuite l’incendier et s’enfuir (ce qui ne se faisait pas sans perte). Il arriva aussi que ceux-ci furent employés à détruire des digues pour inonder une province adverse ou à renforcer celles de leurs employeurs.

Entrainés aux tactiques de guérilla, les ninjas n’avaient donc que peu d’utilité lorsqu’il s’agissait de s’affronter dans une bataille rangée classique. L’exemple le plus frappant est lorsqu’Oda Nobunaga (personnage influent dans la réunification du Japon pendant l’ère Sengoku) décida d’en finir avec l’indépendance de la région d’Iga (entre 1579 et 1581) , ses generaux essuyèrent deux échecs face aux stratégies de guérilla adverse. Lors de la troisième tentative, Oda Nobunaga serait intervenu lui même en dispersant ses armées sur tous les chemins d’accès possibles à la région d’Iga. Face à un trop grand nombres de soldats et ne pouvant agir en tous côtés, les ninjas d’Iga ne purent utiliser leurs tactiques de guérilla et furent vaincus. Les survivants durent s’exiler (bon nombre d’entre eux iront d’ailleurs trouver refuge auprès des Tokugawas)mais la plupart des familles de ninja furent massacrées, ce qui porta un coup féroce aux écoles de Ninjutsu de la région qui ne s’en remettront jamais complétement.

Contrairement aux personnages de la classe guerrière (les samouraïs), les ninjas, issus de régions indépendantes ou de sous castes, n’étaient pas tenus de respecter le code du guerrier, le Bushido.  Ce qui se traduit par le fait que ceux-ci n’hésitaient pas à s’enfuir, à éviter le combat direct et qu’ils étaient capables de se déguiser et de commettre des assassinats commandés. Il n’est pas non plus question de loyauté chez les ninjas, il arriva souvent en effet que ceux-ci se retournèrent contre leurs employeurs à causes de disputes. Et même si certains clans avaient leurs propres ninjas comme les Takeda, ceux-ci prenaient la précaution de retenir femmes et enfants des espions en otage par sécurité. Les ninjas employés par les Takedas participèrent également à l’extraction minière de quartz et de cristal : cela démontre qu’ils étaient capables d’utiliser leurs compétences en dehors d’une situation guerrière.

Une des premières illustrations d'un ninja vêtu de noir, réalisée par Okada Gyokuzan en 1802

Une singulière doctrine, le ninpô :

On retrouve le caractère nin dans Ninjutsu , Ninja et Ninpô, dont on doit en faire la lecture comme shinobu ou shinobi on peut traduire le terme comme l’endurance, la persévérance, la vigilance constante mais aussi l’application du tranchant du sabre à ses pensées et à son égo.  Le ninpô, c’est donc un ensemble de techniques de combat qui est tourné vers la survie et l’adaptation en toutes circonstances ce qui implique une profonde connaissance de la nature, une discipline constante, et une importante ouverture d’esprit. C’est pourquoi le Ninjutsu comprend des techniques vastes qui comprennent évidemment plusieurs styles de combat mais également de la psychologie et des tours de passe passe.

Le caractère nin peut cependant aussi se lire shinobaseru qui se traduit par furtif, secret, dans ce sens le ninjutsu est la pratique de celui qui agit en secret.

Par le sens de ces deux termes liés aux apprentissages des ninjas de nombreuses interprétations affirment qu’il s’agit donc dans le Ninpô d’apprendre à endurer mais pas seulement dans le cas des dangers concrets mais aussi dans ceux plus spirituels de la pensée. Le pratiquant se doit de lutter pour la survie mais aussi contre son égo afin de conserver un éveil sur les choses qui l’entoure.  Il n’est donc pas question d’orgueil et de faits d’armes dans le ninjutsu.

Hatsumi Masaaki Soke, héritier de l’école Togakure ryu et fondateur du Bujinkan (le ninjutsu moderne), affirme qu’il est nécessaire d’avoir l’esprit similaire à celui d’un enfant et que la pratique du Ninjutsu est fortement liée au néant et à la fluidité naturelle. De fait, il est particulièrement difficile de montrer des choses spectaculaires lorsqu’on observe des pratiques de Ninjutsu par l’intermédiaire d’un appareil photo ou d’une caméra. Hatsumi parle également de l’importance de la pratique des arts. Un état d’esprit qui rappel le personnage de Musashi Miyamoto, célèbre escrimeur Japonais qui était doué pour la peinture et qui affirma l’importance d’un état d’esprit qui se devait de compléter la simple technique.

Si l’on peut se poser la question de la part spirituelle plutôt gentillette de la pratique du Ninjutsu lorsque l’on sait leur implication dans des assassinats, on peut  néanmoins voir l’influence de l’évolution des familles d’Iga et de Koga dans un milieu en montagne avec une nature forte et inhospitalière .  La tonalité plus spirituelle et pacifique du Ninjutsu moderne démontre également que celui-ci n’est pas une pratique avec une doctrine fixe mais que celle-ci a su évoluer au cours du temps et de l’histoire du Japon.

Les ninjas furent en effet présents encore fortement durant la période Edo, du fait de leurs liens privilégié avec Ieyasu Tokugawa (notamment du fait de son lien avec Hattori Hanzo, survivant d’une grande famille de la région d’Iga  et de l’aide que celui-ci lui apporta lorsque Ieyasu Tokugawa du fuir les armées de Mitsuhide Akechi suite à l’assassinat d’Oda Nobunaga), ils devinrent alors des gardes du corps du Shogun les Oniwaban ou des agents du gouvernement employés pour surveiller les seigneurs éloignés. Du fait de la peine de mort pour les duels ou à l’interdiction de dégainer un sabre dans l’enceinte du château d’Edo, les ninjas ont su adapter leurs techniques vers le désarmement d’un adversaire et le combat à main nue afin d’éviter de causer la mort.

Pour conclure :

Si les ninjas étaient bel et bien des experts dans les domaines de l’infiltration et de l’espionnage, ils n’avaient pas les pouvoirs surhumains et l’aspect diabolique qu’on leur prête.  La tenue noire et le port de la cagoule demeurent également sujet à caution, même s’ils portaient des tenues et une armure particulière ils l’enlevaient bien rapidement pour se déguiser et se confondre avec les gardes ennemis. C’est donc l’image romancée et poétique du ninja qui fut transmise dans la culture pop, ce qui donne un caractère humoristique fort au Ninja des jeux vidéos et des bons vieux films de baston lorsqu’on connaît un peu plus leur histoire. Cela n’a cependant pas empêché la présence de jeux et de films intéressants, et malgré les erreurs de ceux-ci la vague des années 80 et 90 a permis de reconstruire l’image des ninjas et d’en savoir plus sur eux par l’intervention des historiens et des héritiers des écoles classiques d’arts martiaux.

Attendez vous donc à voir déferler dans le prochain épisode de ce dossier des affiches bidons, des extraits de films bourrés de scènes de violence gratuite et d’exploits improbables et enfin des jeux vidéos qui ont bercé l’enfance de certains !

Sources :

Ninpô ninjutsu, l’ombre de la lumière, Kacem Zoughari, Guy trédaniel éditeur.

L’essence du ninjutsu, les neuf traditions, Masaaki Hatsumi, Budo éditions

Histoire du Japon, Danielle Elisseeff, éditions du Rocher

Wikipedia(ben ouais !)

Vintage Ninja



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9 Comments

  • Reply
    Eskarina
    24 Avr 2011 11:25

    Kiss My Geek te cultive.
    J’aime ! ♥

  • Reply
    Oujiz
    24 Avr 2011 12:45

    Wah. Impressive :3

  • Reply
    GRLC
    24 Avr 2011 1:00

    Je me coucherais moins con ce soir ! Merci JohnScarr !! 🙂

  • Reply
    Bisskuits
    24 Avr 2011 3:15

    Alors là chapeau bas ! Bravo pour le boulot accompli ! J’attends la suite avec impatience ! 😀

  • Reply
    Tom
    25 Avr 2011 5:48

    Oh oui ! Plus de dossier comme ça ! C’est tellement intéressant. 🙂

  • Reply
    Yaeck
    26 Avr 2011 2:00

    Avec un tel préambule on attends du très très lourd pour la suite!
    Shinobi Power!!

  • Reply
    JohnScarr
    26 Avr 2011 3:26

    p’tain j’ai intérêt à être à la hauteur pour la suite xD

  • Reply
    Alice
    26 Avr 2011 11:41

    Vraiment très bon !!! ça, c’est du dossier-qui-tue !!
    Hâte de lire le reste 😀

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