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[Test] Rise of the Ronin

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Après l’incartade chinoise de Wo Long : Fallen Dynasty sorti l’an dernier, la Team Ninja revient poser ses valises au Japon avec ce Rise of the Ronin à l’ambition historique prononcée. Ancré dans la période sans doute la plus adaptée et discutée de l’histoire nippone, le Bakumatsu, ce titre vous propulsera au milieu de la bataille entre les pro et les anti-shogunat au moment où l’Occident entendait forcer l’archipel à s’ouvrir. L’occasion de trancher des têtes et de botter des fesses en revisitant le roman national. Cette version vidéoludique d’un jidai-geki vaut-elle son coût en oban ? C’est ce qu’on va voir tout de suite !

Après la création de deux personnages dans une interface assez poussée permettant à peu près tout, vous voilà aux commandes des Twin Blades (les Lames Jumelles), un duo de ronin élevé dans le but de devenir les bras armés de leur clan et réputés invincibles une fois réunis. Suite à un twist facilement devinable mais que je ne vous révélerai pas, vous contrôlerez finalement l’une de ces Lames qui va vite rencontrer le légendaire Ryoma Sakamoto, l’embarquant avec lui dans sa folle aventure à travers cette période si spécifique. L’occasion de papillonner de loyauté en loyauté, vous alliant ici avec le Shogun Tokugawa tandis que vous oeuvrerez là pour le dézinguer aux côtés de Kogora Katsura, après avoir affronté le commodore Matthew Perry, évidemment (et non, ce n’est toujours pas Chandler). Pendant votre périple qui s’étend sur plusieurs années, vous rencontrerez tous les personnages clés de cette période, dont les fameux membres du Shinsengumi et plusieurs gaijin ayant eu un impact significatif. Il vous appartiendra de décider si vous voulez aider les forces pro-shogunat ou au contraire anti-shogunat, même si dans les faits, vous ferez sans doute un peu des deux. Rise of the Ronin ambitionne de vous faire réviser votre histoire nippone, ou du moins sa version du roman national. Car si le jeu est bourré à ras-bord de références historiques et fait appel à tous les événements connus de cette période, il en a sa propre lecture (certes répandue au Japon mais pas forcément historiquement très factuelle).

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La création de personnage vous permet beaucoup de libertés. Si vous avez la flemme, des codes permettent d’utiliser les créations plus ou moins marrantes des autres joueurs.

Il n’empêche que la Team Ninja a tenu à rendre un Japon de la période Edo, juste avant l’ère Meiji, le plus réaliste possible dans trois cartes que vous découvrirez au fur et à mesure de votre périple. Loin des couleurs chatoyantes de Ghost of Tsushima, on a donc droit à une vision moins fantasmée mais tout aussi intéressante du Japon dans des moments analogues : l’un pendant l’invasion mongole, l’autre pendant ce qui est considéré par certains comme une invasion nord-américaine (bon, c’est une vision un peu exagérée mais on ne peut nier l’animosité des deux camps). Les comparaisons avec le titre de Sucker Punch ne s’arrêteront d’ailleurs pas là puisque, comme son prédécesseur, Rise of the Ronin est un titre en monde ouvert où les camps à libérer côtoient les animaux à caresser (ici des chats, des chiens et plus rarement des loups). Toutefois, si la comparaison est inévitable, elle est un peu bancale car les objectifs sont assez différents. Après tout, avec la team de Koei Tecmo, on sait à quoi s’attendre : l’objectif, c’est la baston et ce, pendant 40 à 60 heures (selon le niveau de difficulté choisi, vos skills et, évidemment, le niveau de complétion souhaité).

Ronin déboires

Si certains noms et/ou événements évoqués dans ce test, et a fortiori dans ce jeu, vous semblent familiers, c’est tout à fait normal. Ils peuvent vous rappeler des personnages croisés dans Like A Dragon : Ishin ! du studio Ryu Ga Gotoku sorti en Europe l’an dernier, dans le manga Chiruran édité chez Mangetsu, dans vos cours d’histoire (qui sait ?) ou tout simplement dans l’une des tétrachiées d’oeuvres plus ou moins librement inspirées de cette période historique du Japon, y compris dans des animes aussi perchés que Bakumatsu Rock qui imagine les clans Satsuma et Choshu en rockeurs et en idols se battant à coups de chansons (je suis assez content d’avoir pu le caser quelque part celui-là). Il faut dire que l’épisode est aussi important (et aussi fantasmé) pour le pays du Soleil Levant que la Révolution l’est pour nous. Mais cette fois, la Team Ninja met le paquet sur l’aspect historique. Car si certaines fantaisies sont permises (notamment votre personnage qui n’a aucune existence historique, ou bien quelques rares délires comme un ennemi en bottes à propulsion le faisant voler dans les airs), les développeurs ne rechignent pas à vous faire un récapitulatif exhaustif des événements et intrigues qui ont pu se dérouler sur cette période, vous introduisant donc au passage des dizaines de personnages qui occasionneront autant de liens à améliorer (heureusement, c’est facultatif) et de quêtes annexes pas vraiment obligatoires mais un peu quand même. Si bien que le scénario a parfois du mal à trouver son rythme, tant il nous noie sous des informations et des retournements de situation (pour les personnes les moins familières avec cette période, l’histoire pourrait même être dure à suivre sans se plonger dans les entrées encyclopédiques qui sont légion dans les menus). Je dois avouer que, bien qu’intéressé par cette période (et ayant des connaissances de base sur le sujet plus élevées que l’occidental moyen), j’ai moi-même soupiré devant certaines cinématiques et/ou quêtes bien trop précises ou anecdotiques en voulant retourner à l’histoire principale (tarabiscotée).

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« Alors, quelle arme prendre parmi ces trente-mille bayonettes ? Boarf, dans dix minutes j’en aurai une meilleure de toute façon… »

Et c’est le deuxième point négatif de ce jeu : il nous noie sous le trop plein. Trop de sous-intrigues, trop de points d’intérêt sur les cartes (des chats, des photos à prendre, des fugitifs à tuer, etc), trop de jauges à remplir (les liens amicaux, les maitrises de styles de combat, les maitrises d’armes…), trop de loot, trop de systèmes de jeux (ce qui fait qu’on n’en utilise pas la moitié), trop de défis, TROP DE TOUT. Enfin surtout, trop de trucs qui se ressemblent, se répétent et provoquent ainsi une sorte de routine surchargée, y compris les combats contre la chair à canon. Un peu comme un Assassin’s Creed. Sauf que là c’est presque obligatoire d’en faire une bonne partie tant les différences de difficultés entre les cartes poussent à grinder au moins un peu. Pour en finir sur les points négatifs, il faut bien avouer que l’aspect technique est un peu décevant. Les textures ne sont pas toujours très soignées, les personnages sont plutôt rigides et quelques bugs parsèment l’expérience. Rien de bloquant mais assez pour être irritant.

Shogun Tonight

Et pourtant, je n’ai pas boudé mon plaisir sur ce Rise of the Ronin. Alors, on ne va pas se mentir, mon côté weeb a joué. Mais il n’y a pas que ça. Si la technique pêche un peu, on se prend quand même souvent à s’extasier sur certains panoramas, le studio étant expert dans l’art d’utiliser la géographie et la topologie de ses lieux pour nous immerger dans son univers. Et on ne parle pas ici que de l’effet « Waouh » (assez facile) des rayons de soleil à travers les branches d’un cerisier mais aussi et surtout d’un agencement travaillé et réussi des cours d’eau, d’un point de vue bien pensé avant de s’élancer avec son aile pour survoler un village, de la végétation chahutée par une météo dynamique… Tout ça rend les trois cartes du jeu vivantes et agréables à parcourir. Quant au trop plein de sous-intrigues évoqué plus haut, il faut bien avouer que le manque de subtilité de la mise en scène des développeurs et le goût très asiatique pour le mélange des genres donnent des séquences what the fuck assez savoureuses, provoquant souvent des rires et rehaussant l’intérêt pour la narration, bien que ce côté gaguesque ne soit clairement pas toujours volontaire.

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Vous pouvez aussi former des relations amoureuses avec certains personnages. Par exemple ici avec la femme qui vous envoie parcourir le territoire à la recherche de chats… Chacun son trip !

Bon, tout ça c’est bien beau mais là on parle d’un jeu vidéo. Alors ok les pâturages et les rizières c’est marrant deux minutes mais est-ce qu’on s’éclate manette en main ? Et est-ce que c’est dur ? Eh bien les choix faits par le studio vont sans doute diviser. Rise of the Ronin n’est pas fait pour vous torturer comme un Dark Souls. Il est même par certains aspects plus abordable qu’un Nioh. Pour autant, à moins de le mettre en facile (et encore), il serait difficile de dire qu’il est vraiment tout public. La gestion de la jauge de Ki (jauge d’endurance, en quelque sorte, déjà présente dans Nioh et Wo Long) est primordiale, celle-ci étant utilisée aussi bien pour attaquer que pour parer ou esquiver. Si on ajoute à ça des animations assez strictes et longues, on comprendra vite qu’un mauvais mouvement peut conduire à se prendre un combo dévastateur contre lequel on ne pourra pas se protéger. Mais en parallèle, les combos sont toujours les mêmes, quelle que soit votre arme. Bien sûr, les animations et donc les timings changeront mais la prise en main et le passage d’une arme à l’autre sont grandement facilités par ce choix. C’est à double tranchant parce que s’il est plus facile de zapper de l’une à l’autre, c’est aussi moins intéressant et, dans les faits, on se retrouve facilement à utiliser toujours les mêmes, rendant ce foisonnement de types d’armes superflu. Par contre, si c’est votre truc de changer régulièrement, il y a de quoi faire ! Et puis ce sera l’occasion de mettre à profit vos remplissages de jauges de styles de combat car chaque katana, chaque odachi, chaque sabre a plusieurs styles qu’il vous faudra maitriser un minimum si vous voulez avoir une chance de venir à bout des boss.

Ganbatte, ronin-san !

Les boss, justement, c’est le point qui vous fera adorer ou détester Rise of the Ronin. Avec des barres de vie bien plus grandes que les ennemis les plus robustes, des move sets complètement différents et des enchaînements de frappes imparables bien vénères, ils vont mettre à l’épreuve vos réflexes et votre patience. Si vous comptiez vous passer du système de contre (les Countersparks en anglais), vous pouvez oublier. Impossible de vous en sortir contre eux sans cela. Ils seront aussi l’occasion de tester votre stratégie, notamment votre utilisation des compagnons (et de leurs sacrifices bien timés) et votre gestion de l’espace (et des munitions). Ce sont ces affrontements qui vous feront suer des mains. Et autant le dire, si la première moitié du jeu est très facile, voire plan-plan, les affrontements de ce type vont se multiplier par la suite, jusqu’au point de ridicule, allègrement passé mais peu importe, tant il est jouissif de réussir à les enchaîner. Surtout si vous vous mettez vos propres défis (utiliser moins d’objets de soin, ne pas utiliser les points de contrôle, etc).

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Le démon bleu sera votre adversaire principal pendant la première partie du jeu

Et si cette difficulté ne vous suffit pas, bonne nouvelle : un 4e niveau de difficulté est débloqué à la fin de votre premier playthrough. Car c’est un autre point d’accessibilité intéressant (quoique loin d’être inédit) du titre. La difficulté est modifiable à la volée, permettant de l’ajuster à votre humeur du moment ou tout simplement à vos skills si vous êtes un.e joueur.se moins acharné.e. Evidemment, en augmentant la difficulté, on change les boss en sacs à PV mais ça influe aussi sur vos dégâts reçus et surtout le nombre de frames permettant un Counterspark. Alors si vos réflexes sont bien affutés, n’hésitez pas à passer en mode midnight pour le prouver. D’ailleurs je vous laisse, j’ai du psychopathe à débiter en mode midnight.

TL;DR

Rise of the Ronin est un jeu un peu surprenant. Faible sur l’aspect technique et reprenant des éléments décriés des jeux à monde ouvert à la Ubisoft, il parvient tout de même à griser le joueur avec la force principale de son studio de développement : la baston contre les boss ! Très (trop ?) axé sur l’aspect « historique » du scénario, il n’hésite pas à nous gaver comme des oies avec une multitude de sous-intrigues parfois révélatrices (celles autour de la situation sanitaire), parfois franchement dispensables et le gavage continue avec trop de tout, à commencer par le loot et les activités annexes d’un open world. Pourtant, si l’on n’aurait pas dit non à retirer un peu de gras, il faut reconnaitre l’efficacité du titre dans ses forces, à tel point que votre serviteur n’a pas passé une seule journée sans allumer le titre depuis qu’il l’a reçu.

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Il faut avouer que le Japon de l’ère Edo a de la gueule !

On a aimé :

  • L’ambiance générale
  • L’aspiration historique
  • Le système de combat
  • Les boss
  • Les missions instanciées, très bien gérées

On a moins aimé :

  • Trop de choses inutiles ou inexploitées
  • Une narration un peu balourde
  • Une certaine répétitivité

Claquez vos Oban si :

  • Vous aimez les jeux de Team Ninja
  • Vous êtes un weeb
  • Le Bakumatsu vous passionne

Rengainez votre katana si :

  • Vous n’aimez ni la difficulté ni la répétitivité
  • « Ouais bon, Assassin’s Creed chez les japs, ça va quoi ! » (Vous n’avez pas entièrement tort mais pas tout compris non plus, et ce n’est clairement pas pour vous)

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Pfiou ! Timing parfait : platiné le matin même de la parution de ce test 😉

Rise of the Ronin

Développé par Team Ninja / KOEI Tecmo – Édité par Sony Interactive Entertainment

Actuellement disponible sur PS5

À partir de 79,99€

Test réalisé sur une version fournie par l’éditeur

La recette du kebab sauce samourai

Rise of the Ronin n'est pas simple à noter. Certes, si on le compare à Ghost of Tsushima, il est facile de voir ce qui marche mieux et ce qui marche moins. Mais ce serait malhonnête tant les ambitions diffèrent. Ici, les deux axes principaux sont le roman national nippon et les combats à la Team Ninja, avec de jolies gerbes de sang à l'écran et des ampoules aux mains à force de suer. Deux aspects très bien réalisés et poussés à fond (peut-être même trop par instants) qui contrastent avec le remplissage fade et inutile qui les entoure.

6
Note globale:
6

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