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[Critique] Murciélago T. 1&2

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Disclaimer : Comme vous l’avez compris avec l’image en entête, on a affaire à un manga qui est destiné à un public averti contenant du sexe et de la violence. Même si nous éviterons de mettre des images qui pourraient choquer ici, vous voilà prévenus ! Mineurs, merci de quitter cette page (mais vous pouvez lire le reste de nos articles, on vous aime bien quand même).

Le manga dont nous allons parler aujourd’hui est un seinen décomplexé comme on en voit rarement édités dans nos contrées. Prépublié dans le Young Gangan (magazine bimensuel de Square Enix), Murciélago est une série toujours en cours au Japon qui compte pour le moment 12 tomes dont les 2 premiers nous sont proposés en France par les éditions Ototo. L’auteur Kana Yoshimura (orthographié YOSHIMURAKANA sur la couverture) nous y narre les aventures déjantées de Kuroko Kômori. Pour échapper à sa condamnation à mort pour avoir tué 715 personnes au cours de sa (prolifique) carrière de tueuse, l’excentrique personnage accepte un marché avec les autorités : pour lutter contre la vague grandissante de crimes violents, elle devra éliminer des cibles désignées par la police. On lui assigne alors une coéquipière en la personne de Hinako Tozakura, une lycéenne fan de véhicules puissants, pilote hors pair, chargée aussi bien d’aider Kuroko que de la surveiller. C’est donc ce duo improbable que l’on suit dans la série Murciélago, saga érotico-violente remplie d’humour noir.

Kuroko s'est vue proposer un marché qu'elle ne pouvait pas refuser
Kuroko s’est vue proposer un marché qu’elle ne pouvait pas refuser

A 100 à l’heure sur l’autoroute de la déviance

Comment vous donner rapidement une idée de l’ambiance de ce manga ? Prenez un duo improbable mais complémentaire à la Gunsmith Cats (Ken’Ichi Sonoda), une héroïne badass et perverse qui est clairement un équivalent féminin du Ryo Saeba de City Hunter (Tsukasa Hojo) – notamment dans sa manie de draguer des jolies femmes dans les pires moments imaginables – et un soupçon de violence à la Hokuto no Ken (Buranson et Tetsuo Hara). Montez tout ça d’une tonalité pour que le gore et le sexe ne soient plus seulement suggérés mais bel et bien montrés (sans excès non plus, on n’est ni dans du hentai, ni dans un manga qui mise tout sur les tripes affichées à chaque case). Ça y est, vous avez une base pour cuisiner un tome de Murciélago ! Mais attention, il vous faudra également une bonne dose d’humour noir pour contrebalancer tout ça et en faire un manga délirant et jouissif plutôt qu’oppressant et agressif.

Yoshimura fait le choix de nous lancer directement au cœur de l’action, sans (trop d’)introduction, afin que l’ambiance prenne le dessus et que le lecteur sache tout de suite à quoi s’attendre. C’est à mon avis un très bon choix, surtout parce que le mangaka excelle dans ce style un peu décousu, mais aussi parce que cela accentue le décalage entre notre duo dynamique et les policiers chargés de les encadrer dont on fera la connaissance un peu plus tard, optimisant du même coup l’impact humoristique de la séquence.

Kuroko’s (a) basket (case)

Nous voilà donc débarqués en pleine mission de Kuroko, alors qu’elle doit en finir avec un ancien catcheur, tellement drogué qu’il prend la ville pour un ring et perpètre un massacre en croyant faire plaisir à ses fans. Ce chapitre nous permet de nous familiariser avec les deux personnages principaux, de découvrir leurs personnalités et leurs caractéristiques (dont leurs facultés) tout en étant un véritable showcase des capacités de dessinateur de Yoshimura quand il s’agit d’action. Ah, j’oubliais : tout ça fait directement suite à une scène de sexe lesbien entre Kuroko et une de ses conquêtes. Bref. Ensuite on se retrouve en plein braquage et… Quoi ? Oui ben je vous avais dit que le manga pouvait paraître décousu au début.

Hum... C'est de la compassion, ça ? (Merci à Kawaii-kun d'avoir caché un dessin un peu gore pour les âmes sensibles)
Hum… C’est de la compassion, ça ? (Merci à Kawaii-kun d’avoir caché un dessin un peu gore pour les âmes sensibles)

Seulement voilà, la scène du braquage, justement, utilise une référence vraiment pas discrète pour nous rassurer : l’auteur sait parfaitement où il va. En effet, cette scène est directement inspirée du braquage du diner dans le film Pulp Fiction de Quentin Tarantino. Jusqu’aux dialogues très ressemblants en fait. Pour qui comprendra la référence, le message est alors limpide : Yoshimura compte gérer son récit de façon non linéaire et surtout non causale, comme l’un de ses réalisateurs préférés (du moins on suppose que c’est le cas). Tant pis si cela en décontenance certains, l’efficacité doit primer. Et ça fonctionne. Le revers de la médaille, c’est que le fil rouge de l’histoire n’est toujours pas clairement défini à la fin du deuxième tome. On pense déceler une intrigue politico-policière sur fond de corruption et de guerre interne mais il faudra attendre la suite pour en avoir le cœur net. Le risque de ce parti pris est que l’auteur fasse durer le côté fun et décousu trop longtemps au détriment d’une intrigue et que cela finisse par s’étioler. Mais on a confiance, on pense que le fil rouge n’est plus très loin !

On a tout de même droit à un premier arc qui se déroule sur 7 chapitres à cheval sur ces deux premiers tomes et qui prouvent que Yoshimura est capable de diriger son Murciélago dans un format plus « classique » de récit. Ledit arc se nomme Murder Party et voit Kuroko ainsi que d’autres criminels réunis dans une maison piégée par un vieil homme riche qui veut « nettoyer » son pays. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas spoiler mais l’arc est bien rythmé et introduit certains personnages (dont une snipeuse qui a obtenu son propre spin-off au Japon). Il est également l’occasion pour Yoshimura de faire quelques références supplémentaires aux œuvres qui l’ont marqué dont une assez appuyée à Indiana Jones.

Les séquences d'action sont très vivantes, une vraie réussite !
Les séquences d’action sont très vivantes, une vraie réussite !

L’art de la référence

Et justement, des références, le manga n’en manque pas. Certaines situations, comme celles décrites ci-dessus, font directement référence à des films qui ont marqué l’histoire du cinéma. D’autres éléments, comme le nom des villes par exemple, sont clairement empruntés à l’univers Lovecraftien (Ruruie est la prononciation japonaise de R’lyeh, la ville de Tekeli-li tient son nom d’une expression des Shoggoths…). Mais ces clins d’œil ne sont pas seulement un jeu pour le mangaka. Les appels du pied disséminés dans Murciélago sont autant de clés de compréhension pour le lecteur. Bien sûr, on peut comprendre l’œuvre sans les déceler mais elles appuient le propos. Ainsi, les références graphiques à la peinture religieuse du Moyen-Âge dans la façon de dessiner certaines poses de Kuroko appuient son caractère démoniaque, allant jusqu’à lui tordre le cou de manière caractéristique pour que l’évocation d’un démon ou, a minima, d’une sorcière, soit immanquable. De notre côté, un mystère demeure : le choix du pseudo Murciélago. Si on comprend aisément le choix de l’animal (cela signifie chauve-souris), pourquoi avoir choisi l’espagnol ? Peut-être aura-t-on la réponse plus tard.

Pour en revenir au dessin, il faut saluer la capacité de Yoshimura à passer de façon extrêmement fluide d’un trait sérieux et dur à des dessins plutôt chibi, parfois dans la même case, accentuant ainsi le contraste entre les personnages, notamment entre Kuroko la psychopathe inquiétante et Hinako la jeune fille naïve et plutôt bienveillante. Ce contraste saisissant n’empêche pourtant pas l’auteur d’introduire de la nuance. Par exemple, Kuroko n’est pas aussi froide et inhumaine qu’on pourrait le penser au premier abord et devient même parfois très protectrice, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes filles. A tel point que ça ne nous étonnerait pas qu’un prochain arc dévoile un passé très sombre dans l’enfance du personnage. Mais, pour le moment en tout cas, le ton reste très humoristique, notamment par le biais de blagues très très noires, qui peuvent même parfois mettre mal à l’aise si on n’entre pas dedans.

Le premier brief de mission que l'on découvre. Tout un programme !
Le premier brief de mission que l’on découvre. Tout un programme !

TL;DR

Murciélago est de toute évidence l’OVNI décomplexé qui manquait à cette rentrée littéraire des mangas. Le mangaka YOSHIMURAKANA y déploie son talent au service d’une aventure érotico-violente diablement efficace et très amusante de par son utilisation quasi-constante de l’humour noir. Si le titre n’est évidemment pas à mettre entre toutes les mains, il devrait ravir les amateurs de démesure et d’excès. Si les quelques scènes gores et/ou sexuelles vous dérangent par contre, passez votre chemin.

Cette critique a été écrite grâce à un exemplaire fourni par l’éditeur

Vampirique

A bas la délicatesse ! Murciélago se base sur son héroïne déjantée Kuroko Kômori pour livrer un délire érotico-violent décomplexé qui secoue la rentrée des mangas. Ca ne ressemble à rien de paru chez nous alors foncez !

8
Note globale:
8

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