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[Test] The Outer Worlds

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Quels sont les éléments d’un bon jeu ? La réponse est difficile, impossible même. Pour certains, un jeu c’est avant tout un gameplay aux petits oignons. Pour d’autres c’est une histoire ou un univers qui nous donnent l’impression de dévorer un bon bouquin bien au chaud, devant une cheminée, nu sur une peau de bête avec un orchestre folklorique moldave reprenant les plus grandes OST du cinéma indépendant des années 70. Bien sûr, le plus simple reste de dire que c’est la somme de tous ces éléments qui fait un bon jeu. Après des titres comme Star Wars Kotor 2, Alpha Protocol (oui Alpha Protocol !) ou Fallout New Vegas, Obsidian a prouvé qu’ils étaient capables de faire de bons jeux, ou du moins qu’ils étaient capables de mettre en place des univers suffisamment développés pour donner envie d’y plonger. The Outer Worlds a-t-il ce qu’il faut pour prétendre être un bon jeu ?

Le temps béni des colonies

6 Septembre 1901, le président McKinley visite l’exposition pan-américaine de Buffalo. Il est sur le point de se faire assassiner par l’anarchiste Leon Czolgosz… mais Leon a un mot de sa maman et il ne pourra pas assassiner le président qui poursuivra son mandat. Ce salop de gauchiste de Teddy Roosevelt ne pourra pas prendre le pouvoir, libéralismes et capitalismes pourront prospérer, permettant aux entreprises de s’affranchir des horribles lois bolchéviques que sont le Hepburn Act et le Pure Food and Drug Act ! Protéger le consommateur ? Et quoi encore ? Un système de santé garantissant l’accès aux soins pour tous ?

Les siècles ont passé, les entreprises ont grandi et sont devenues des mega-corporation aidées, notamment, par les mandats des Cyber-président T-Rump, Mechacron et Botsonaro. La terre n’offre plus assez de ressources et ces salops de pauvres ne font plus rentrer assez d’argent dans les caisses des conglomérats. Décision est prise d’accorder tout un système solaire à une poignée d’entreprises pour leur permettre d’exploiter d’offrir un travail stimulant dans une conserverie de poisson ou un élevage de porkyste en batterie, tout en respectant cette maxime : « le travail c’est pas vraiment la santé ni vraiment la liberté mais nous ce qu’on aime c’est le blé ». Manque de pot, un des vaisseaux est piloté par une IA développée Costa Croisière et va finir par se paumer dans le vide intersidéral.

Mince alors, ce paquebot contenait justement les intellectuels et scientifiques envoyés pour coloniser ce nouveau système ! Et encore plus mince alors, un savant fou tombe un jour sur le vaisseau dans lequel vous, la variable imprévue, êtes resté au congélateur pendant que la méga corporation Halcyon Holding imposait gentiment son pouvoir sur le système du même nom. Le savant vous ayant retrouvé étant recherché par à peu près toutes les milices du système, il vous envoie illico presto rencontrer son contact sur Terra 2. Bien entendu, vous tomberez facilement sur le-dit contact avant de vous retrouver embarqué dans une nouvelle quête pour réveiller le reste du vaisseau.

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Fallouterworlds

Dès l’arrivée sur Terra, le jeu impose sa direction artistique à grands coups de skybox aux couleurs criardes sorties des meilleures illustrations SF des années 50. Très rapidement, The Outer Worlds montre aussi ce qui constitue sa plus grande qualité : son écriture. Avec Leonard Boyarsky il aurait été à la fois étonnant et décevant du contraire. L’un des pères de Fallout 2 dispose ici d’un matériau de choix pour faire étal de son amour pour le bon mot et l’humour bien cynique. Les règles et codes imposés par les différentes sociétés se révèlent tous plus sordides les uns que les autres et, là où tout nous paraît totalement invraisemblable, cette folie semble parfaitement normale dans l’univers que nous dépeint Obsidian.

Chaque société dispose d’un type de produit phare et use de slogans simples et de logos criards pour attirer le client dans ses griffes. Client qui ne tarde généralement pas à devenir employé de la boite pour assouvir ses envies consuméristes. Critiquant aussi bien le consommateur fou que les entreprises au pouvoir, The Outer Worlds peut se montrer réellement dérangeant sur la société qu’il dépeint : des ouvriers obligés de payer leurs entreprises en cas d’arrêt maladie, des salariés condamnés à réciter les slogans à longueur de journée, les scénaristes s’en sont donné à cœur joie.

La qualité de l’écriture se retrouve également dans les personnages qui croiseront notre route, notamment pour les compagnons qui nous accompagnent au long de l’aventure. Au nombre de six, ils sont tous dotés d’une personnalité vraiment différente et leurs différentes quêtes, qui permettront de les connaitre un petit peu plus, se révèlent souvent plus intéressantes que la trame principale. Le titre n’hésite d’ailleurs pas à aborder des thèmes comme les relations amoureuses ou l’homosexualité sans jamais tomber dans le cliché ou le mauvais goût. Tout semble se dérouler naturellement comme dans une bonne série. Mention spéciale pour Sam, un robot nettoyeur un poil zélé.

Les fans de Fallout New Vegas seront ainsi heureux de retrouver le talent d’Obsidian, capable de nous faire rire ou au moins sourire au détour d’une quête annexe, anecdotique au premier abord.

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Terra Flop

Finalement, avec The Outer Worlds, Obsidian fait de l’Obsidian. Pour le meilleur bien sûr mais également pour le pire. Si le développeur a toujours su séduire par sa plume, il n’en a pas toujours été de même coté gameplay. On se souvient notamment de Tyranny où le développeur peinait à se renouveler après la réussite de Pillars of Eternity, offrant une prestation en demi-teinte bien qu’appréciable.

Le développeur retombe ainsi dans ses vieux travers en collant un gameplay daté et sans aucune profondeur à un univers qui méritait vraiment plus. Reprenant point par point le cahier des charges du parfait petit clone de Fallout, Obsidian nous offre un mix entre RPG et FPS mou du genou qui peine à se renouveler. Les développeurs se permettent même d’intégrer un ersatz du VAT de Fallout, ce système permettant de viser une partie précise de l’adversaire. C’est simple, au niveau du gameplay The Outer Worlds a le goût et l’odeur de Fallout, en reprenant jusqu’aux défauts les plus irritants.

Le jeu reprend même la technique antédiluvienne du titre de Bethesda. Si la direction artistique se montre séduisante sur plusieurs points, la technique elle est totalement à la ramasse. Textures baveuses, aliasing et bugs de scripts en tous genres, Obsidian donne toujours l’impression de stagner sur ce plan.

La majorité des flingues ont à peu près autant de patate qu’un fusil à bouchon. Le joueur se contente généralement d’une arme de chaque type élémentaire, au nombre de 4, qu’il se contentera d’améliorer tout au long de l’aventure grâce à un système d’amélioration sans grand intérêt. Les armes possédant pratiquement toutes le même design propre au fabriquant d’origine, pas question de s’amuser à trouver la pétoire la plus jolie pour défourailler un bestiaire tout aussi peu varié.

Remplacez les radscorpions par des raptidons, saupoudrez le tout de beaucoup (trop) de bandits et de machines se ressemblant trait pour trait et vous obtenez 90% du bestiaire du jeu. Là encore Obsidian s’est montré fainéant et, mine de rien, pour un titre qui veut nous faire voyager aux confins de l’univers connu, c’est gênant.

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Trouble de la Perksonnalité !

Quitte à s’inspirer d’un classique du genre, on se dit qu’Obsidian vous nous offrir des perks et des feuilles de personnage originales histoire de faire honneur à Fallout New Vegas qui, avec son « trait » Wild Wasteland, avait déjà mis la barre très haut et ce sans parler de tous les archétypes possibles. Et bien non ! Même pas ! Les développeurs se contentent de nous balancer les classiques statistiques de Force, Dextérité, Intelligence et compagnie, le tout accompagné de perks tout aussi ennuyeuses : possibilité de porter plus d’objets, armures plus résistantes, santé qui se régénère plus vite… Rien de folichon par rapport à ce que le studio a pu nous offrir par le passé.

Allez saluons quand même les armes scientifiques ou « armes du grand vide ». Au nombre de 5, elles se basent sur l’intelligence du héros pour augmenter les dégâts et les différents effets originaux : entre rayons rétrécissants, arme gluante ou restructurateur mandibulaire, ces quelques machines de mort justifient à elles seules de jouer une grosse tête. D’autant plus que les autres profils ne sont pas forcément passionnants à jouer, la faute encore une fois à un système de combat fainéant.

Si le jeu permet potentiellement différentes approches plus ou moins discrètes, l’intelligence artificielle ne rend pas les phases d’infiltrations réellement passionnantes. L’architecture des différents donjons n’aidant pas non plus à rendre le défi vraiment intéressant. Pour faire simple, les ennemis, surtout les humains et les machines, se contente de suivre un chemin prédéfini et ne réagissent que très peu à la présence du héros dés lors qu’un silencieux est installé sur le flingue. Vous pouvez parfaitement vous trémousser joyeusement dans le dos d’un adversaire, tant que celui-ci ne reprend pas sa patrouille vous aurez tout le loisir de lui chatouiller les intestins.

Malheureusement, le titre souffre également d’un écueil particulièrement gênant au vu de l’univers proposé : le manque de liant. Si certaines quêtes vous demanderont d’effectuer des choix moraux, pourtant extrêmement intéressants et non manichéens, ceux-ci n’ont qu’un impact extrêmement limité. Si l’on vous demander de choisir qui de la communauté A ou B doit péricliter, les conséquences se révèlent finalement minimes. Au plus, le dirigeant d’une des communautés viendra vous voir et vous taper sur les doigts « ohlalala c’est malin maintenant ou on doit s’allier avec les autres ou on doit tous mourir ». Ajoutez à cela le fait que l’ensemble du titre se décompose sous forme de plusieurs cartes parsemées de différents hubs dans lesquels vous irez chercher vos quêtes avant de traverser de grandes étendues pleines de vide pour vous rendre dans le laboratoire ou l’usine vous permettant d’effectuer les différentes tâches.

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Fall Out

Manque de moyen, manque d’inspiration ou simple excès de fainéantise ? Difficile de savoir toujours est-il que, en misant tout sur son écriture, Obsidian nous offre une expérience en demi-teinte. Le titre manque clairement de liant dans sa construction pour être mémorable. L’aventure se parcourt de façon un peu nonchalante et ne restera pas longtemps en mémoire. Allez, gageons qu’il s’agit là d’un simple galop d’essai et qu’un potentiel The Outer Worlds 2 saura nous rabibocher avec le développeur. Avec un univers pareil, il serait dommage de s’arrêter là. Sinon, juste comme ça, Disco Elyium est sorti en même temps et une trad’ française serait sur les rails…

On a aimé :

  • L’écriture, les thèmes abordés et le cynisme des auteurs
  • Les armes scientifiques
  • La direction artistique

On a pas aimé :

  • Le gameplay mou du genou
  • Le manque d’implication globale et le copier/coller d’un mauvais Fallout
  • L’IA bête à manger du foin OGM fourni par Tatie Cleo

Craquez vos PO si :

  • Vous êtes en manque de Fallout Like
  • Vous êtes sensible à l’humour noir et au bon mot
  • Vous êtes dans des slogans publicitaires des années 50/60

Gardez vos PO si :

  • Vous êtes un fervent défenseur de l’ultralibéralisme
  • Vous cherchez un vrai FPS ou un vrai RPG
  • Vous êtes amoureux des Fallout « à l’ancienne”

Obsidian Entertainment – Private Division

Disponible sur PC, Xbox One & PS4

À partir de 32,99€

 

It's not the best choiiiiiiice

Si Fallout New Vegas était ce qu'aurait dû être Fallout 3, The Outer Worlds se montre bien trop frileux et manque trop d'ambition pour ravir le titre de vrai Fallout 4. Reste un univers sympa qui permets d'espérer une suite avec plus de moyens. En l'état, difficile de recommander The Outer Worlds. Heureusement, sa disponibilité dans le catalogue Xbox Game Pass permet, malgré tout, de s'offrir un voyage dépaysant et relativement amusant.

6
Note finale:
6

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